Ecole française du XVIIe siècle
Portrait de Catherine Duchemin (1630-1698), peintre de fleurs, épouse du sculpteur François Girardon, à son chevalet
Vendu 301 760
€ [$]
Ecole française du XVIIe siècle
Portrait de Catherine Duchemin (1630-1698), peintre de fleurs, épouse du sculpteur François Girardon, à son chevalet
Huile sur toile
Portrait of the flower painter Catherine Duchemin, oil on canvas, French School, 17th C.
Hauteur : 130 Largeur : 96 cm
Provenance : Peut-être mentionné dans l'inventaire des biens de Girardon dressé en 1713 (A.N., M. C., XXXIII, 423) : "Peintures et desseins. Les portraits de Mr et Me Girardon, d'environ 4 pieds [130 cm environ], faits par Mr Le Brun, dans leurs bordures dorées." puis dans l'inventaire après-décès de Catherine Michelin, leur fille, le 8 juin 1742 : "Deux tableaux peints sur toile représentant M. et Mad. Girardon, père et mère de lad. défunte Michelin, dans leur bordure de bois doré, non prisés" (voir Fr. Souchal et Fr. de La Moureyre, "Inventaire après décès de Girardon", in A. Maral, 'François Girardon. Le sculpteur de Louis XIV', Paris, 2015, p. 539, n° 275) ;
Collection Eugène Féral, mentionné en 1874 et en 1886, une étiquette au verso ;
Collection particulière, Paris
Expositions : 'Histoire du costume', Exposition de l'Union centrale des Beaux-Arts appliqués à l'Industrie, Paris, musée historique du costume, 1874, p. 87 (comme Sébastien Bourdon, portrait présumé de C. Duchemin)
'Exposition universelle de 1878', Palais du Trocadéro, galerie des portraits nationaux, 1878, n° 932 (comme Sébastien Bourdon), une étiquette au verso
Bibliographie : Henry Jouin, "Le musée des portraits d'artistes", in 'Nouvelles Archives de l'Art français, t. II, Revue de l'art français ancien et moderne', 1886, p. 35 (comme Sébastien Bourdon)
M.-E. Sainte-Beuve, "Un nouveau portrait de Catherine Duchemin par Sébastien Bourdon", in 'Beaux-Arts', n° 13, 1er juillet 1926, p. 124 et p. 196-197, repr. (comme Sébastien Bourdon)
Robert Rey, "La femme dans la peinture française", in 'La Renaissance', n° 4, août 1939, p. 17, repr. (comme Sébastien Bourdon)
Michel Faré, 'Le Grand Siècle de la nature morte en France, Le XVIIe siècle', Fribourg-Paris, 1974, p. 194 et 196 (comme Sébastien Bourdon)
Germaine Greer, 'The Obstacle Race : The Fortunes of Women painters and their work', Londres, 1979, p. 234
'La Femme à l'époque moderne, XVIe-XVIIIe siècle', actes du colloque tenu à Paris les 11 et 12 mai 1984, Paris, 1985, p. 91, note 25
Eric Coatalem, 'La nature morte française au XVIIe siècle', Dijon, 2014, p. 152, repr. (attribué à Sébastien Bourdon)
Commentaire : Quinze ans après sa fondation en 1648, l'Académie royale de peinture et de sculpture ouvre ses portes aux femmes, suivant l'intention du roi qui souhaitait " épandre sa grâce sur tous ceux qui excellent dans les arts de Peinture et de Sculpture, d'en faire part à ceux qui seront jugés dignes sans avoir égard à la différence du sexe1 ". Cet accueil est cependant conditionné : sœur, épouse ou fille, la candidate doit avoir un lien avec un académicien, et, ne pouvant avoir accès à l'étude d'après le modèle vivant, elle sera cantonnée aux genres les moins nobles, nature morte, paysage et parfois portrait. Il en faut plus pour décourager les talents ! Le 4 août 1663, Catherine Duchemin, épouse du sculpteur François Girardon, est la première femme reçue académicienne, présentant un Panier de fleurs posé sur un piédestal comme morceau de réception (aujourd'hui disparu), avec les soutiens d'Henri Testelin et de Charles Le Brun. Quelques années plus tard, en 1669, deux autres peintres de fleurs, les sœurs Boullogne, Geneviève et Madeleine, lui emboîtent le pas, suivies en 1672 par Elisabeth-Sophie Chéron.
Née le 12 novembre 1630, Catherine Duchemin est la fille de Jacques Duchemin, maître sculpteur, et d'Elisabeth Hubault. Le 20 octobre 1657 est rédigé son contrat de mariage avec le sculpteur François Girardon, admis à l'Académie quelques mois avant et demeurant rue de Cléry. On ignore tout de sa formation mais il est possible qu'elle ait appris le dessin auprès de son père. Jal propose qu'elle ait ensuite rejoint l'atelier de Nicolas Baudesson2. Nous ne lui connaissons que peu d'œuvres certaines, deux de ses tableaux sont mentionnés au musée de Troyes en 18973 et des Fruits et roses sur un entablement signés des initiales 'D.C.' conservés à Chambéry lui sont donnés. Elle disparaît rapidement des sources relatives à l'histoire de l'art et les affaires de son foyer mirent sans doute un terme prématuré à sa carrière pour se consacrer " sans partage à son mari et à ses enfants, plus soucieuse de leur bien-être et de leur sage direction que de ses succès d'artiste4 ".
La maigreur de son corpus n'empêcha cependant pas son nom de traverser les siècles, son statut de première académicienne restant gravé dans les mémoires, et ses traits nous étant parvenus par deux portraits : une miniature disparue mais dont une reproduction nous est connue (fig. 1) et le magnifique portrait que nous avons l'honneur de présenter ici. A l'instar de nombreux portraits d'artistes de cette période, Catherine Duchemin est représentée face à son chevalet, palette et pinceaux à la main, à côté d'une table sur laquelle est posé le bouquet de pavots qu'elle est en train de coucher sur la toile. Ces fleurs présentent un léger relief sur la toile, témoignant d'un ajout par une main autre que celle ayant réalisé le portrait, autorisant la séduisante hypothèse selon laquelle elle les aurait elle-même ajoutées. Une grande élégance se dégage de cette composition, dans l'attitude du modèle, à la pose raffinée et vêtue avec soin d'étoffes brillantes et colorées, et dans la mise en scène proposée par l'artiste, avec ce muret et ce drapé vert laissant apparaître un frais paysage de montagne. L'auteur, encore à découvrir, de ce tableau, montre qu'il n'était pas non plus dénué de talent pour la nature morte, comme en témoignent le chevalet, la toile cloutée sur son châssis, ou encore les franges de la garniture du fauteuil.
Pourrait-il s'agir du portrait mentionné en 1713 à côté de celui de son époux dans l'inventaire des biens des Girardon comme " Les portraits de Mr et Me Girardon, d'environ 4 pieds [130 cm environ], faits par Mr Le Brun " ? A nouveau l'hypothèse est séduisante mais ne peut à ce jour être tranchée, le portrait de François Girardon par Le Brun n'ayant à ce jour pas réapparu et les caractéristiques de notre tableau ne rejoignant pas totalement ce que nous connaissons de Le Brun portraitiste. Si ce portrait garde pour l'instant sa part d'énigmes, il n'en demeure pas moins un jalon important de la peinture française du XVIIe siècle et l'image particulièrement séduisante et rare d'une jeune femme élégante et talentueuse, ayant obtenu la première dans les arts picturaux, une reconnaissance officielle et méritée.
1. A. de Montaiglon, 'Procès-verbaux de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1648-1793', t. I, 1648-1672, Paris, 1875, p. 223.
2. A. Jal, 'Dictionnaire critique de biographie et d'histoire', Paris, 1867, p. 642.
3. Ch. Braquehaye, " Deux tableaux de Catherine Duchemin ", in 'Documents pour servir à l'histoire des arts en Guienne', 1897-1898, p. 4.
4. E. Le Brun-Dalbanne, 'Le Portrait de Catherine Duchemin femme de François Girardon', Troyes, 1876, p.11.
Estimation 100 000 - 150 000 €
Vendu 301 760 €
* Les résultats sont affichés frais acheteur et taxes compris. Ils sont générés automatiquement et peuvent subir des modifications.