Vente Mobilier et Objets d’Art - 16 mai 2017 /Lot 158 Giacomo Filippo Parodi (1630-1702) Enfant Jésus endormi, vers 1680

  • PARODI, Giacomo Filippo (1630-1702) Enfant Jésus endormi, vers 1680 Marbre blanc
  • PARODI, Giacomo Filippo (1630-1702) Enfant Jésus endormi, vers 1680 Marbre blanc
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PARODI, Giacomo Filippo (1630-1702) Enfant Jésus endormi, vers 1680
Marbre blanc
Signé " J.F. Parodi " sur le devant ; à l'avant sur le drapé : un petit éclat et une fissure, liée à un défaut du marbre
H. : 102 cm (40 in.)
l. : 42 cm (16 1/2 in.)
P. : 63 cm (24 3/4 in.)

Provenance :
Famille Durazzo, Gênes ;
Marquis Gerolamo-Serra (1837) ;
Achat en 1844 par le Vicomte Hippolyte Vilain XIIII, ambassadeur de Belgique à Rome ;
Collection particulière belge ;
Par descendance jusqu'au propriétaire actuel.

Expositions :
Exposition de tableaux et d'objets d'art et de haute curiosité ouverte au profit des pauvres, tenue au Palais du Duc de Brabant à Bruxelles, 1855.

Bibliographie :
Carlo Giuseppe Ratti, Vite dè pittori, scultori e architetti genovesi, Gênes, 1769, II, p.58.
Société Saint Vincent de Paul, Exposition de tableaux et d'objets d'art et de haute curiosité ouverte au profit des pauvres, Palais du Duc de Brabant, Bruxelles, 1855, seconde partie Objets d'art, numéro 118, p.20.
Paola Rotondi Briasco , Filippo Parodi, 1962, Università di Genova, Gênes, p.103.
Luca Leoncini, Da Tintoretto a Rubens. Capolavori della Collezione Durazzo, catalogue de l'exposition tenue à Gênes au Palazzo Reale du 14 juilllet au 3 octobre 2004, Skira, Notice 53 par Carlo Milano, p.310-311.

Bibliographie comparative :
Ezia Gavazza, Documenti per Filippo Parodi. L'altare del Camine e la specchiera Brignole, in Arte Lombarda. Nuova Serie. 58/59. 1981, pp.29-37.
Lauro Magnani, Un'esperienza contraddittoria, la prima produzione scultorea del Parodi, La scultura a Genova e in Liguria, vol.II, Genoa, 1988, pp.143-9.
Lauro Magnani, La Scultura delle forme della tradizione alla libertà dello spazio barocco, Sous dir. Ezia Gavazza, Genova nell'étà Barocca, Genova, Galleria nazionale di Palazzo Spinola, Galleria del Palazzo Reale, 2 mai-26 juillet 1992, Nuova Alfa Editoriale, 1992, pp.291-302.
Ezia Gavazza, Geneviève Bresc-Bautier, Pierre Puget (Marsiglia 1620-1694), un artista francese e la cultura barocca a Genova, catalogue de l'exposition tenue à Marseille, Centre de la Vieille Charité (30 octobre 1994-30 janvier 1995) et Palazzo Ducale de Gênes, 4 mars-4 juin 1995, Electa 1995, pp.52-61.
Cristiano Giometti Accenti di barocco maturo nell'Ecce Homo già in Santa Chiara Una proposta per Filippo Parodi, in F. Leverotti, a cura di, I tesori di Santa Chiara, Pisa 2012, pp.129-136.
-Davide Gambino and Lorenzo Principi, Filippo Parodi 1630-1702 Genoa's Bernini. A bust of Vitelllius., Baccarelli & Botticelli , 2016.

A white marble group depicting a sleeping Jesus, by Giacomo Filippo Parodi (1630-1702), circa 1680

Cette sculpture, non localisée pendant plus d'un siècle et demi par la sphère scientifique, est une œuvre majeure du célèbre artiste génois du
XVIIe siècle, Filippo Parodi(1). Fils de charpentier, il apprit à maîtriser toute la haute technicité du travail du marbre lors de deux séjours à Rome de 1661 à 1667, puis au début des années 1670. Il y fut, d'après des sources anciennes non attestées, formé dans l'atelier de Gian-Lorenzo Bernini (1598-1680) ou du moins dans celui d'Ercole Ferrata (1610-1686)(2). Il fut également fortement influencé par le génie du sculpteur Pierre Puget (1620 -1694) . L'artiste français séjourna en effet à Gênes de 1661 à 1668 et Parodi eût l'occasion d'observer son travail lors de nombreuses commandes communes.

Toute la virtuosité de son art se déploie dans cet imposant bloc de marbre aux contours irréguliers représentant une vision personnelle de la Nativité. Si les influences du Bernin(3) et de Puget sont bien présentes, l'écriture particulière et la maestria de Parodi légitiment à travers ce chef-d'œuvre la place considérable qu'occupa l'artiste génois au tournant des XVIIe et XVIIIe siècle dans la diffusion du baroque romain en Ligurie.
En reprenant dans sa composition l'archétype antique du Cupidon endormi, l'artiste présente l'Enfant Jésus allongé sur un vaste drapé dont les plis à la fois amples et anguleux synthétisent les influences du maître du baroque romain et les particularismes du style de Puget. Sous ce drapé enveloppant, voluptueux et protecteur, quelques épis de blé et brins de paille s'échappent et viennent avec pudeur évoquer la précarité de la crèche de Bethléem. Parodi réinterprète ici le thème de l'Enfant endormi, thème cher à la tradition picturale locale, ainsi que le dépeignent les peintres Giovanni Benedetto Castiglione (1609-1664) ou Valerio Castello (1624-1659). Alors que cette scène est sans doute une préfiguration de la Passion, il y évacue toute idée de morbidité : dans une attitude de confiance absolue - bras écartés, mains ouvertes, une paume tournée vers le ciel - l'enfant Jésus, nous est présenté abandonné dans un sommeil profond et apaisé. Les chairs potelées du nourrisson sont représentées avec une tendresse sincère et un naturalisme discret, le petit corps endormi se confondant et semblant naître des plis du drapé. Le calme de l'expression de son visage - dont les lèvres très ourlées et le nez légèrement retroussé sont une constante dans l'œuvre de Parodi - illustre avec justesse et dévotion l'idée de la béatitude. Le bras gauche et les deux jambes s'alignent dans un beau parallélisme, qui contraste avec la position du bras droit. Ce dernier, plié, semble pendre lourdement, accentuant le sentiment d'abandon de l'Enfant Roi, serein dans l'impénétrable léthargie du sommeil du juste. Au-delà du terrible épisode de sa Passion, le nimbe qui couronne sa petite tête de poupon prédit déjà sa victorieuse résurrection.
Cette thématique de l'humanisation du Christ dans un contexte plus global de Préfiguration de la Passion, ainsi que la composition générale et le rendu obtenu, font écho à un petit groupe d'œuvres que l'artiste réalisa au début des années 1680. Il s'agit, comme le rappelle l'auteur Carlo Milano, des quatre sculptures du Christ mort réalisées respectivement, pour l'église San Luca di Genova et des Carmélites de Santa Teresa di Savona - toutes deux réalisées en bois polychromé - et des deux marbres, l'un exécuté pour l'hôpital de San Carlo Voltri, et l'autre, pour la basilique de Santa Giustina à Padoue.
A l'instar du Cristo morto qui fut commandé vers 1680-1681 par l'un des membres de la puissante famille Spinola, cette œuvre fut probablement exécutée à la demande d'une autre famille dirigeante de la République génoise, la famille Durazzo(4). C'est en tout cas dans la plus importante de ses résidences, le Palazzo Reale, ancien palais Balbi racheté par Eugenio Durazzo (1630-1705) en 1677, au faîte de la puissance de cette famille, que l'œuvre est attestée en 1767(5). Il est probable qu'Eugenio Durazzo, qui avait fait appel à Parodi en même temps que l'architecte Carlo Fontana (1638-1714) pour transformer le palais selon la mode romaine, lui ait commandé cette œuvre(6). Pour une autre sculpture de l'artiste, représentant un Christ à la colonne, dimensions 90 x 43 x 22 cm, conservé au Palazzo Reale de Gênes) et attestée en 1677 dans la chapelle privée du palais, il est généralement admis qu'elle a été commandée vers 1677 -1680 par Eugenio ou son épouse(7).
Après avoir été conservé jusqu'au début du XIXe siècle dans la famille Durazzo, l'Enfant Jésus endormi passa dans les mains de la famille Serra, sans doute grâce à un jeu d'alliances matrimoniales(8). Il fut en effet conservé dans les collections du marquis Gerolamo-Serra (1761-1837), grand homme politique défenseur de l'indépendance de Gênes et auteur d'une volumineuse histoire de la Ville-Etat publiée en 1834. Après sa mort en 1837, l'œuvre fut vendue par ses descendants puis rachetée en 1844 par le grand amateur d'art belge, le vicomte Charles Hippolyte Vilain XIIII (1796-1873). Ce diplomate et membre du congrès national, longtemps en poste, en tant qu'ambassadeur, en Italie, offrit la possibilité au public de découvrir cette sculpture remarquable lors d'une exposition tenue à Bruxelles en 1855. La localisation de l'œuvre semble ensuite avoir été perdue jusqu'en 2004, date à laquelle l'historien d'art Carlo Milano l'a présenté dans le catalogue de l'exposition sur la Collection Durazzo au Palazzo Reale(9).
L'Enfant Jésus endormi pose un jalon des plus importants dans la carrière de Parodi. Sa datation, autour des années 1680 marque une véritable transition entre une production encore pétrie des influences des grands maîtres baroques, et un style propre, fougueux et plus indépendant.

1. Voir la notice de l'historien d'Art Carlo Milano à qui l'on doit la redécouverte de cette œuvre et son exposition lors de l'exposition Da Tintoretto a Rubens. Capolavori della Collezione Durazzo, tenue à Gênes au Palazzo Reale du 14 juillet au 3 octobre 2004. L'auteur de la première monographie de l'artiste, Paola Rotondi Briasco l'indiquait comme perdu en 1962.
2. Voir article de Cristiano Giometti, p.130.
3. Les spécialistes de Parodi, Cristiano Giometti et Lauro Magnani s'accordent pour voir dans les deux anges sculptés par le Bernin en 1669, désormais conservés dans l'église Sant'Andrea delle Fratte, des sujets d'inspiration de grande importance dans l'œuvre de Parodi : on retrouve ainsi cette inspiration dans le traitement des chevelures aux boucles en spirales profondément travaillées, entourant des visages inclinés aux lèvres sensuelles légèrement entrouvertes et exprimant une indolence manifeste.
4. Cf. Cristiano Giometti, op cit et Giovanni Assereto , I "Durazzo di Palazzo Reale". Breve storia di una grande famiglia Patrizia dans le catalogue de l'exposition de 2004.
5. Carlo Giuseppe Ratti, Vite dè pittori, scultori ed architetti genovesi, Gênes, 1769, II , p.58 : "In questo Palazzo dell' Eccellentissimo Marcello Durazzo del fu Gio Luca sono del Parodi alcuni preziosi marmi. In un salotto del prefato Sig. Durazzo v'ha un bambino, che dorme".
6. Aucun document n'atteste de cette commande à Parodi. Pour rappel, Eugenio commanda un ensemble de quatre sculptures représentant les figures mythologiques Vénus, Clytie, Adonis et Hyacinthe.
7. Filippo Parodi.Cristo alla colonna. Notice 56, p.232, in Pierre Puget. Un artista francese e la cultura barocca a Genova.
8. Il est à noter que le superbe marbre de Vitellius, tout récemment réattribué à Parodi, était également passé, par voie d'alliance, aux mains d'un membre d'une autre branche de la famille Serra. Cf Davide Gambino et Lorenzo Principi, Filippo Parodi. 1630-1702. Genoa's Bernini. A bust of Vitellius, Bacarelli & Botticelli, 2016.
9. Luca Leoncini, Da Tintoretto a Rubens. Capolavori della Collezione Durazzo, catalogue de l'exposition tenue à Gênes au Palazzo Reale du 14 juilllet au 3 octobre 2004, Skira, Notice 53 par Carlo Milano, p.310-311.



Estimation 180 000 - 220 000 €



Vendu 244 600 €
* Les résultats sont affichés frais acheteur et taxes compris. Ils sont générés automatiquement et peuvent subir des modifications.

Lot 158

Giacomo Filippo Parodi (1630-1702)
Enfant Jésus endormi, vers 1680

Vendu 244 600 € [$]

PARODI, Giacomo Filippo (1630-1702) Enfant Jésus endormi, vers 1680
Marbre blanc
Signé " J.F. Parodi " sur le devant ; à l'avant sur le drapé : un petit éclat et une fissure, liée à un défaut du marbre
H. : 102 cm (40 in.)
l. : 42 cm (16 1/2 in.)
P. : 63 cm (24 3/4 in.)

Provenance :
Famille Durazzo, Gênes ;
Marquis Gerolamo-Serra (1837) ;
Achat en 1844 par le Vicomte Hippolyte Vilain XIIII, ambassadeur de Belgique à Rome ;
Collection particulière belge ;
Par descendance jusqu'au propriétaire actuel.

Expositions :
Exposition de tableaux et d'objets d'art et de haute curiosité ouverte au profit des pauvres, tenue au Palais du Duc de Brabant à Bruxelles, 1855.

Bibliographie :
Carlo Giuseppe Ratti, Vite dè pittori, scultori e architetti genovesi, Gênes, 1769, II, p.58.
Société Saint Vincent de Paul, Exposition de tableaux et d'objets d'art et de haute curiosité ouverte au profit des pauvres, Palais du Duc de Brabant, Bruxelles, 1855, seconde partie Objets d'art, numéro 118, p.20.
Paola Rotondi Briasco , Filippo Parodi, 1962, Università di Genova, Gênes, p.103.
Luca Leoncini, Da Tintoretto a Rubens. Capolavori della Collezione Durazzo, catalogue de l'exposition tenue à Gênes au Palazzo Reale du 14 juilllet au 3 octobre 2004, Skira, Notice 53 par Carlo Milano, p.310-311.

Bibliographie comparative :
Ezia Gavazza, Documenti per Filippo Parodi. L'altare del Camine e la specchiera Brignole, in Arte Lombarda. Nuova Serie. 58/59. 1981, pp.29-37.
Lauro Magnani, Un'esperienza contraddittoria, la prima produzione scultorea del Parodi, La scultura a Genova e in Liguria, vol.II, Genoa, 1988, pp.143-9.
Lauro Magnani, La Scultura delle forme della tradizione alla libertà dello spazio barocco, Sous dir. Ezia Gavazza, Genova nell'étà Barocca, Genova, Galleria nazionale di Palazzo Spinola, Galleria del Palazzo Reale, 2 mai-26 juillet 1992, Nuova Alfa Editoriale, 1992, pp.291-302.
Ezia Gavazza, Geneviève Bresc-Bautier, Pierre Puget (Marsiglia 1620-1694), un artista francese e la cultura barocca a Genova, catalogue de l'exposition tenue à Marseille, Centre de la Vieille Charité (30 octobre 1994-30 janvier 1995) et Palazzo Ducale de Gênes, 4 mars-4 juin 1995, Electa 1995, pp.52-61.
Cristiano Giometti Accenti di barocco maturo nell'Ecce Homo già in Santa Chiara Una proposta per Filippo Parodi, in F. Leverotti, a cura di, I tesori di Santa Chiara, Pisa 2012, pp.129-136.
-Davide Gambino and Lorenzo Principi, Filippo Parodi 1630-1702 Genoa's Bernini. A bust of Vitelllius., Baccarelli & Botticelli , 2016.

A white marble group depicting a sleeping Jesus, by Giacomo Filippo Parodi (1630-1702), circa 1680

Cette sculpture, non localisée pendant plus d'un siècle et demi par la sphère scientifique, est une œuvre majeure du célèbre artiste génois du
XVIIe siècle, Filippo Parodi(1). Fils de charpentier, il apprit à maîtriser toute la haute technicité du travail du marbre lors de deux séjours à Rome de 1661 à 1667, puis au début des années 1670. Il y fut, d'après des sources anciennes non attestées, formé dans l'atelier de Gian-Lorenzo Bernini (1598-1680) ou du moins dans celui d'Ercole Ferrata (1610-1686)(2). Il fut également fortement influencé par le génie du sculpteur Pierre Puget (1620 -1694) . L'artiste français séjourna en effet à Gênes de 1661 à 1668 et Parodi eût l'occasion d'observer son travail lors de nombreuses commandes communes.

Toute la virtuosité de son art se déploie dans cet imposant bloc de marbre aux contours irréguliers représentant une vision personnelle de la Nativité. Si les influences du Bernin(3) et de Puget sont bien présentes, l'écriture particulière et la maestria de Parodi légitiment à travers ce chef-d'œuvre la place considérable qu'occupa l'artiste génois au tournant des XVIIe et XVIIIe siècle dans la diffusion du baroque romain en Ligurie.
En reprenant dans sa composition l'archétype antique du Cupidon endormi, l'artiste présente l'Enfant Jésus allongé sur un vaste drapé dont les plis à la fois amples et anguleux synthétisent les influences du maître du baroque romain et les particularismes du style de Puget. Sous ce drapé enveloppant, voluptueux et protecteur, quelques épis de blé et brins de paille s'échappent et viennent avec pudeur évoquer la précarité de la crèche de Bethléem. Parodi réinterprète ici le thème de l'Enfant endormi, thème cher à la tradition picturale locale, ainsi que le dépeignent les peintres Giovanni Benedetto Castiglione (1609-1664) ou Valerio Castello (1624-1659). Alors que cette scène est sans doute une préfiguration de la Passion, il y évacue toute idée de morbidité : dans une attitude de confiance absolue - bras écartés, mains ouvertes, une paume tournée vers le ciel - l'enfant Jésus, nous est présenté abandonné dans un sommeil profond et apaisé. Les chairs potelées du nourrisson sont représentées avec une tendresse sincère et un naturalisme discret, le petit corps endormi se confondant et semblant naître des plis du drapé. Le calme de l'expression de son visage - dont les lèvres très ourlées et le nez légèrement retroussé sont une constante dans l'œuvre de Parodi - illustre avec justesse et dévotion l'idée de la béatitude. Le bras gauche et les deux jambes s'alignent dans un beau parallélisme, qui contraste avec la position du bras droit. Ce dernier, plié, semble pendre lourdement, accentuant le sentiment d'abandon de l'Enfant Roi, serein dans l'impénétrable léthargie du sommeil du juste. Au-delà du terrible épisode de sa Passion, le nimbe qui couronne sa petite tête de poupon prédit déjà sa victorieuse résurrection.
Cette thématique de l'humanisation du Christ dans un contexte plus global de Préfiguration de la Passion, ainsi que la composition générale et le rendu obtenu, font écho à un petit groupe d'œuvres que l'artiste réalisa au début des années 1680. Il s'agit, comme le rappelle l'auteur Carlo Milano, des quatre sculptures du Christ mort réalisées respectivement, pour l'église San Luca di Genova et des Carmélites de Santa Teresa di Savona - toutes deux réalisées en bois polychromé - et des deux marbres, l'un exécuté pour l'hôpital de San Carlo Voltri, et l'autre, pour la basilique de Santa Giustina à Padoue.
A l'instar du Cristo morto qui fut commandé vers 1680-1681 par l'un des membres de la puissante famille Spinola, cette œuvre fut probablement exécutée à la demande d'une autre famille dirigeante de la République génoise, la famille Durazzo(4). C'est en tout cas dans la plus importante de ses résidences, le Palazzo Reale, ancien palais Balbi racheté par Eugenio Durazzo (1630-1705) en 1677, au faîte de la puissance de cette famille, que l'œuvre est attestée en 1767(5). Il est probable qu'Eugenio Durazzo, qui avait fait appel à Parodi en même temps que l'architecte Carlo Fontana (1638-1714) pour transformer le palais selon la mode romaine, lui ait commandé cette œuvre(6). Pour une autre sculpture de l'artiste, représentant un Christ à la colonne, dimensions 90 x 43 x 22 cm, conservé au Palazzo Reale de Gênes) et attestée en 1677 dans la chapelle privée du palais, il est généralement admis qu'elle a été commandée vers 1677 -1680 par Eugenio ou son épouse(7).
Après avoir été conservé jusqu'au début du XIXe siècle dans la famille Durazzo, l'Enfant Jésus endormi passa dans les mains de la famille Serra, sans doute grâce à un jeu d'alliances matrimoniales(8). Il fut en effet conservé dans les collections du marquis Gerolamo-Serra (1761-1837), grand homme politique défenseur de l'indépendance de Gênes et auteur d'une volumineuse histoire de la Ville-Etat publiée en 1834. Après sa mort en 1837, l'œuvre fut vendue par ses descendants puis rachetée en 1844 par le grand amateur d'art belge, le vicomte Charles Hippolyte Vilain XIIII (1796-1873). Ce diplomate et membre du congrès national, longtemps en poste, en tant qu'ambassadeur, en Italie, offrit la possibilité au public de découvrir cette sculpture remarquable lors d'une exposition tenue à Bruxelles en 1855. La localisation de l'œuvre semble ensuite avoir été perdue jusqu'en 2004, date à laquelle l'historien d'art Carlo Milano l'a présenté dans le catalogue de l'exposition sur la Collection Durazzo au Palazzo Reale(9).
L'Enfant Jésus endormi pose un jalon des plus importants dans la carrière de Parodi. Sa datation, autour des années 1680 marque une véritable transition entre une production encore pétrie des influences des grands maîtres baroques, et un style propre, fougueux et plus indépendant.

1. Voir la notice de l'historien d'Art Carlo Milano à qui l'on doit la redécouverte de cette œuvre et son exposition lors de l'exposition Da Tintoretto a Rubens. Capolavori della Collezione Durazzo, tenue à Gênes au Palazzo Reale du 14 juillet au 3 octobre 2004. L'auteur de la première monographie de l'artiste, Paola Rotondi Briasco l'indiquait comme perdu en 1962.
2. Voir article de Cristiano Giometti, p.130.
3. Les spécialistes de Parodi, Cristiano Giometti et Lauro Magnani s'accordent pour voir dans les deux anges sculptés par le Bernin en 1669, désormais conservés dans l'église Sant'Andrea delle Fratte, des sujets d'inspiration de grande importance dans l'œuvre de Parodi : on retrouve ainsi cette inspiration dans le traitement des chevelures aux boucles en spirales profondément travaillées, entourant des visages inclinés aux lèvres sensuelles légèrement entrouvertes et exprimant une indolence manifeste.
4. Cf. Cristiano Giometti, op cit et Giovanni Assereto , I "Durazzo di Palazzo Reale". Breve storia di una grande famiglia Patrizia dans le catalogue de l'exposition de 2004.
5. Carlo Giuseppe Ratti, Vite dè pittori, scultori ed architetti genovesi, Gênes, 1769, II , p.58 : "In questo Palazzo dell' Eccellentissimo Marcello Durazzo del fu Gio Luca sono del Parodi alcuni preziosi marmi. In un salotto del prefato Sig. Durazzo v'ha un bambino, che dorme".
6. Aucun document n'atteste de cette commande à Parodi. Pour rappel, Eugenio commanda un ensemble de quatre sculptures représentant les figures mythologiques Vénus, Clytie, Adonis et Hyacinthe.
7. Filippo Parodi.Cristo alla colonna. Notice 56, p.232, in Pierre Puget. Un artista francese e la cultura barocca a Genova.
8. Il est à noter que le superbe marbre de Vitellius, tout récemment réattribué à Parodi, était également passé, par voie d'alliance, aux mains d'un membre d'une autre branche de la famille Serra. Cf Davide Gambino et Lorenzo Principi, Filippo Parodi. 1630-1702. Genoa's Bernini. A bust of Vitellius, Bacarelli & Botticelli, 2016.
9. Luca Leoncini, Da Tintoretto a Rubens. Capolavori della Collezione Durazzo, catalogue de l'exposition tenue à Gênes au Palazzo Reale du 14 juilllet au 3 octobre 2004, Skira, Notice 53 par Carlo Milano, p.310-311.



Estimation 180 000 - 220 000 €



Vendu 244 600 €
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Détails de la vente

Vente : 3169
Date : 16 mai 2017 14:00

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Charlotte Norton
Tél. +33 1 42 99 20 68
cnorton@artcurial.com

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