Vente Livres & Manuscrits - 28 mars 2023 /Lot 19 [Heures de Renée de Bourbon-Vendôme] Livre d’heures, à l’usage de Bourges (d’après l’Office des morts)

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[HEURES DE RENÉE DE BOURBON-VENDÔME]
Livre d'heures, à l'usage de Bourges (d'après l'Office des morts).
En latin et en français, manuscrit enluminé sur parchemin.
France, Bourges, vers 1480-1485 (1484 ou peu avant ?).
31 grandes miniatures et 35 miniatures à mi-page attribuées à des artistes berruyers tels Jean Colombe, Jean Raoul de Montluçon (?) et assistants.

107 feuillets, précédés et suivis de trois feuillets de gardes de parchemin, sur les 107 ff. du manuscrit, on en compte 21 qui sont des feuillets de parchemin blanc intercalés sans texte ni miniature (ff. 44, 46, 48, 50, 52, 53, 55, 57, 59, 60, 62, 64, 66, 68, 70, 72, 74, 76, 78, 80, 88), foliotation moderne au crayon à mine, foliotation ancienne de 1 à 101 (XVIIIe s. ?) à l'encre dans le coin droit supérieur des feuillets, commençant au fol. 7 (foliotation moderne) et donc après le calendrier (cette foliotation est interrompue, témoignant que les manques sont anciens), manuscrit lacunaire (manquant des feuillets de texte et des miniatures), collation difficile car manuscrit relié dans le désordre avec les cahiers d'origine difficilement reconstituables, plusieurs feuillets ont été un temps collés ensemble (décharge perceptible de l'encre et des initiales ornées des feuillets de texte sur les feuillets blancs interfoliés), écriture bâtarde à l'encre brune, texte copié sur 31 lignes, réglure à l'encre brune (justification : 73 x 140 mm), rubriques à l'encre bleue, bout-de-lignes en bleu, rouge ou marron avec un décor à l'or liquide, nombreuses petites initiales peintes en bleu, rouge ou marron avec décor à l'or liquide (1 ligne de hauteur), les mêmes aussi plus grandes (2 à 4 lignes de hauteur), 35 miniatures à mi-page (hauteur 18 lignes) et 31 grandes miniatures suivies de seulement 4 à 5 lignes de texte, toutes de forme cintrée dans leur partie supérieure.

Reliure du XVIe siècle (seconde moitié ?), plein maroquin fauve, décor doré sur les plats et décor à froid sur le dos, dos à 4 nerfs (dos presque lisse) avec décor à froid composé de caissons avec fers de feuilles stylisées azurées, fleurs de lys, étoile, fleuron, cadre extérieur sur les plats de double filets à froid, plats ornés d'un riche décor doré composé d'un double encadrement de double filets dorés, compositions de feuilles stylisées azurées aux quatre angles, au centre composition avec un motif en mandorle entouré et rempli de volutes et filets courbes terminés par des feuilles stylisées azurées avec certains fonds remplis de pointillés, surface entre les encadrements et dans le rectangle central avec un semé d'un motif de triple points, traces d'attaches sur les plats (lacunaires), tranches dorées.

Reliure : quelques épidermures, coins émoussés, plats légèrement gondolés, traces de galeries de vers en tête et en queue de dos. Manuscrit : feuillets parfois rognés courts au sommet avec légères pertes à signaler dans les parties supérieures cintrées de certaines miniatures ; décharge des initiales ornées et du texte sur les feuillets blancs interfoliés suite au décollage de ces feuillets (un temps contrecollés entre eux et depuis décollés) ; quelques taches et quelques écaillures à certaines miniatures (quelques-unes légèrement retouchées par endroits) ; à noter que les miniatures sont généralement en bel état de conservation.

Dimensions des feuillets : 110 x 170 mm ; dimensions de la reliure: 115 x 175 mm.

Fascinante redécouverte d'un livre d'heures sous-étudié et qui offre de nombreuses réflexions sur les peintres berruyers au service d'importants mécènes. Un faisceau d'indices et une inscription signée Renée de Bourbon permettent de lier ce manuscrit à la personne de Renée de Bourbon-Vendôme, sans doute avant son élection à l'abbatiat de l'abbaye de Fontevrault (Fontevraud, Maine-et-Loire). Il contient un cycle ambitieux de 66 peintures peintes par plusieurs mains avec plusieurs miniatures attribuables à Jean Colombe, célèbre peintre de Bourges et connu pour avoir notamment terminé les Très riches Heures du duc de Berry en 1485-1486. Un autre peintre de talent contribue aux peintures, il s'agit de Jean Raoul de Montluçon que nous proposons comme le peintre d'un certain nombre de miniatures, actif également à Bourges. Les rapports entre ces différentes mains gagneraient à être creusés et ce manuscrit est un excellent témoin de la collaboration entre artistes berruyers et la circulation des modèles de Jean Colombe.

Provenance :
1.
Manuscrit copié a priori pour l'usage liturgique de Bourges : on relève avec certitude dans l'Office des morts, texte complet dans ce manuscrit, les répons des leçons qui suivent clairement l'usage liturgique de Bourges (voir Texte ci-dessous). Le texte des Heures de la Vierge est a priori trop lacunaire pour en déterminer l'usage mais sa reconstitution précise permettra peut-être de mieux d'en déterminer l'usage liturgique.

Sur le plan ornemental et stylistique, les miniatures et décor du présent manuscrit sont à relier à ceux peints par Jean Colombe et son atelier, ainsi qu'à un artiste berruyer proche de Colombe et de ses compositions, à savoir Jean Raoul de Montluçon (?). Deux autres artistes proches de Colombe et son atelier interviennent également. Une datation dans les premières années de la décennie 1480 est probable et une datation plus proche de 1484 est suggérée d'après des éléments liés à la jeune commanditaire de ce manuscrit, Renée de Bourbon.

2.
Inscription ancienne, très certainement propriétaire de la première commanditaire. On lit au feuillet 10v la mention suivante : " La vectys mamye de saint Jullyain que loyn et pres sere a vostre commandement le nom ce qui est escript de sous. Renee de Bourbon ". De la même main on lit une seconde inscription au feuillet 16 : " Mon frere mon amy gardés vous bien d'aufenser dieu et pansés qui nous fault tous mourir et randre comte ". Il peut s'agir de l'un des frères de Renée de Bourbon. On citera, mais sans certitude, le plus connu de la fratrie, François de Bourbon, comte de Vendôme (1470-1495), proche du roi Charles VIII qu'il accompagna en Italie, où il mourut jeune en 1495.

Renée de Bourbon (1468-1534) était la fille de Jean VIII de Bourbon, comte de Vendôme (1425-1477) et d'Isabelle de Beauvau (1436-1474/1475). Jean de Bourbon-Vendôme était lui-même fils de Louis de Bourbon-Vendôme et de Jeanne de Laval (1405-1468). La famille de Laval était influente dans le comté du Maine et en Bretagne. Le choix des saints inclus dans le calendrier et les suffrages du présent livre d'heures reflète très certainement les liens de la jeune Renée de Bourbon avec les diocèses du Mans et l'ouest de la France en général. On trouve au calendrier le 27 janvier saint Julien-du-Mans (fol. 1), capital pour une famille dont le fief de Laval dépendait du diocèse du Mans. Le père puis le frère de Renée de Bourbon (François de Bourbon-Vendôme) étaient comtes de Vendôme, situé non loin à la lisière du diocèse du Mans mais qui dépendait au XVe siècle du diocèse de Chartres. Les liens de la famille de Laval avec la Bretagne sont sans doute aussi reflétés dans le choix d'inscrire à l'encre bleue saint Yves de Kermartin au calendrier (fol. 3). Sur le mécénat de la famille Laval, voir M. Walsby, The Counts of Laval : Culture, Patronage and Religion in Fifteenth and Sixteenth-Century France, Aldershot, 2007.

La mère de Renée de Bourbon-Vendôme, Isabelle de Beauvau, meurt en 1474/1475 et son père Jean VIII de Bourbon-Vendôme meurt en 1477 : la jeune Renée entre alors au couvent de l'Abbaye aux Dames de Saintes à l'âge de huit ans. Ceci peut expliquer le suffrage à saint Eutrope de Saintes (fol. 92) doté d'une miniature. On trouve aussi un suffrage introduit par une miniature dédié à saint Georges (fol. 91v) : on rappellera que la collégiale saint-Georges à Vendôme était placée sous le vocable de saint Georges. La collégiale saint-Georges de Vendôme abritait les tombeaux des comtes et ducs de Vendôme.

Le lien avec les Bourbon et notamment la branche ducale en Auvergne est établi aussi avec l'inclusion de saint Bonnet dans les litanies (fol. 22v), évêque de Clermont (la maison de Bourbon descendait de Robert de France, comte de Clermont, sixième fils de saint Louis). On rappellera que les fresques de la Collégiale de Saint-Bonnet-le-Château furent commanditées par Anne d'Auvergne, épouse de Louis II de Bourbon (voir Y. Katsutani, Les peintures murales de Saint-Bonnet-le-Château (2023))

Le suffrage illustré consacré à saint Aubin d'Angers était également pertinent pour Renée de Bourbon-Vendôme et sa famille si l'on rappelle le rôle que joua Hubert de Vendôme, alors évêque d'Angers de 1006 à 1047, lors du miracle du moine guéri au XIe siècle par l'intercession de saint Aubin.

3.
Une inscription du XVIIe siècle (?) à l'encre brune au recto de la première page de garde : " Le presen livre est a [Charles Vaquet] (?) (nom barré) lequel je luy ay promis de rendre ensemble… [nom barré] ".

4.
Une inscription en anglais au crayon du XXe siècle au recto de la première page de garde indique que le manuscrit a été acheté à Lyon : " Bought at the City of Lyons in the south of France and supposed to be from 5 to 600 years old the whole being written, the miniatures painted before the invention of printing or copper plate engraving ".

5.
Notes et codes de libraires au crayon au verso de la première page de garde et au verso de la dernière page de garde en fin de manuscrit : " bbqqcc ", " no xxxx ", " anx/x/x ".

6.
Christie's, Londres, 25 juin 1997, lot 27 avec une inscription mal identifiée et attribuée à " Renée de Bouchey ". Il faut clairement lire " Renee de Bourbon ".


TEXTE
Nous suivons ici la foliotation moderne au crayon à mine :

ff. 1-6v, Calendrier composite, complet, en français, encre brune et bleue ; signalons les saints suivants inscrits en bleu : sainte Geneviève (3 janvier), saint Yves de Kermartin (19 mai), saint Éloi de Noyon (25 juin, 1 décembre), saint Martin de Tours (4 juillet, 11 novembre), saint Louis, roi de France (25 août), saint Loup de Sens, saint Gilles (1 septembre), saint Denis (9 octobre), et saint Marcel (3 novembre).

ff. 7-10v, Péricopes évangéliques.

ff. 11-16v, Passion selon saint Jean (deux miniatures ; deux rubriques).

ff. 17-21, Psaumes de la pénitence.

ff. 21v-23v, Litanies. On signalera les saints suivants : Bonnet (Boniti), Geneviève, Marguerite, Catherine, Magnifesta, Anastasie, Barbe.

ff. 24-43v, Office des morts à l'usage de Bourges, avec les répons suivants : (1) Credo quod ; (2) Qui Lazarum ; (3) Requiem eternam ; (4) Induta est caro; (5) Memento mei; (6) Peccantem me; (7) Ne recorderis ; (8) Heu mihi ; (9) Libera me. Cette séquence de répons correspond à l'Office des morts à l'usage de Bourges, tel que relevé par le Chanoine Leroquais, voir Paris, BnF, NAL 3163 [fiche Bourges, fol. 180].

ff. 44-44v, feuillet blanc interfolié.

ff. 45-81v, Extraits des Heures de la Vierge, des Heures de la Croix, des Heures du Saint-Esprit, des Heures de sainte Barbe (Barbara) et de l'Office de sainte Catherine (complet) ; extraits reliés parfois dans le désordre, avec des feuillets blancs interfoliés.

f. 45, Vêpres des Heures de sainte Barbe (texte commence au feuillet 75v), avec la dernière prière : " Deus amator pudicicie qui ad declaranda merita beate Barbare virginis… "

Les Heures ou " Petites Heures " de sainte Barbe ne sont pas courantes. Une étude de cet office reste à faire. On le trouve par exemple aux côtés de l'Office de sainte Catherine dans un manuscrit conserve à Liège, Bibliothèque de l'Université de Liège, Wittert 35, Livre d'heures à l'usage d'Utrecht, Pays-Bas, vers 1415 [Master of the Morgan Infancy].

Dans le présent manuscrit, il appert que les Heures de sainte Barbe devaient être copiées immédiatement à la suite des différentes heures canoniales de l'Office de la Vierge (en anglais on dit " interspersed ").

f. 45v, Début de complies des Heures de la Vierge [fin lacunaire].

ff. 46-46v, feuillet blanc interfolié.

f. 47, Fin de matines des Heures de la Vierge, avec la troisième leçon de la première nocturne " O sacratissima ", suivie du répons " Felix namque es ".

f. 47v, Hymne " Te Deum " [fin lacunaire].

ff. 48-48v, feuillet blanc interfolié.

f. 49, Fin de prime des Heures de la Croix [fin lacunaire].

f. 49v, Début de prime des Heures du Saint-Esprit [fin lacunaire].

ff. 50-50v, feuillet blanc interfolié.

f. 51, Fin de laudes des Heures de la Vierge [début lacunaire].

f. 51v, Début de none des Heures de la Croix [fin lacunaire].

ff. 52-53v, feuillets blancs interfoliés.

f. 54, Fin de vêpres des Heures de la Vierge [début lacunaire].

f. 54v, Début de vêpres des Heures de la Croix [fin lacunaire].

ff. 55-55v, feuillet blanc interfolié.

ff. 56-56v, Complies des Heures de la Croix [feuillet inversé avec le texte qui débute au verso et continue au recto].

ff. 57-57v, feuillet blanc interfolié.

f. 58, Tierce des Heures de la Croix [début lacunaire].

f. 58v, Début de tierce des Heures du Saint-Esprit [fin lacunaire].

ff. 59-60v, feuillets blancs interfoliés.

f. 61v, Début de matines des Heures de la Vierge [fin lacunaire].

ff. 62-62v, feuillet blanc interfolié.

ff. 63-63v, Laudes des Heures de la Vierge [feuillet inversé avec le texte qui débute au verso et continue au recto] [fin lacunaire, une partie de laudes des Heures de la Vierge se trouve au feuillet 51].

ff. 64-64v, feuillet blanc interfolié.

ff. 65-65v, Prime des Heures de la Vierge [feuillet inversé avec le texte qui débute au verso et continue au recto].

ff. 66-66v, feuillet blanc interfolié.

f. 67, Prime des Heures de sainte Barbe [fin lacunaire].

f. 67v, Début de tierce des Heures de la Vierge [fin lacunaire].

ff. 68-68v, feuillet blanc interfolié.

f. 69, Tierce des Heures de sainte Barbe [début lacunaire].

f. 69v, Début de sexte des Heures de la Vierge [fin lacunaire].

ff. 70-70v, feuillet blanc interfolié.

f. 71, Sexte des Heures de sainte Barbe [début lacunaire].

f. 71v, Début de none des Heures de la Vierge [fin lacunaire].

ff. 72-72v, feuillet blanc interfolié.

f. 73, None des Heures de sainte Barbe [début lacunaire].

f. 73v, Début de vêpres des Heures de la Vierge [fin lacunaire].

ff. 74-74v, feuillet blanc interfolié.

f. 75, Vêpres des Heures de la Croix, suite du feuillet 54v.

f. 75v, Début de vêpres des Heures de sainte Barbe [suite au feuillet 45].

ff. 76-76v, feuillet blanc interfolié.

f. 77, None des Heures de la Croix [début lacunaire].

f. 77v, Début de none des Heures du Saint- Esprit [fin lacunaire].

ff. 78-78v, feuillet blanc interfolié.

ff. 79-79v, Office de sainte Catherine [feuillet inversé avec le texte qui débute au verso et continue au recto].

ff. 80-80v, feuillet blanc interfolié.

f. 81, Complies et Recommendatio à la fin des Heures du Saint-Esprit [début lacunaire].

f. 81v, Complies des Heures de sainte Barbe [fin lacunaire].

ff. 82-100v, Suffrages au Christ, Dieu le Père, Huit vers de saint Bernard, suffrages aux saints suivants : Pierre, Philippe et Jacques, Thomas, Christophe, Sébastian, Georges, Eutrope de Saintes, Éloi de Noyon, Antoine, Aubin d'Angers, Hubert de Liège, Catherine (ff. 95, 96, 96v), Barbe (ff. 96v, 97v), Radegonde de Poitiers, Anne, Tous les saints (Toussaint), Jean l'Évangéliste, Michel l'archange.

ff. 101-107v, Prières mariales (chacune introduite par une miniature) : Obsecro te (ff. 101-102v) ; Salve Regina (f. 103) ; Ave Regina celorum (f. 103v) ; Regina celi (f. 104) ; Obsecro te (f. 104v) [désinence masculine, "…michi famulo tuo… "] ; Fluat stilla de mamilla gloriose Virginis (f. 105) ; Ave Domina Sancta Maria Mater Dei (f. 105v) ; Inviolata integra et casta es Maria (f. 106), Virgo mitis et begigna (f. 106v) et Gaude virgo mater Christi (ff. 107-107v).


ILLUSTRATION
Ce manuscrit contient 31 miniatures grandes miniatures et 35 miniatures à mi-page :

Péricopes évangéliques :
f. 7, Saint Jean l'Évangéliste sur l'île de Patmos.
f. 8, Saint Luc peignant un portrait de la Vierge (scène d'Annonciation sculptée en arrière-plan).
f. 9, Saint Mathieu écrivant.
f. 10, Saint Marc aiguisant sa plume (scène d'Ascension en arrière-plan).

Passion du Christ :
f. 11, Jésus et les apôtres endormis au Jardin de Gethsémani.
f. 15v, Dérision du Christ.

Psaumes de la pénitence :
f. 17, David et Goliath

Litanies :
f. 21v, Couronnement de la Vierge devant une assemblée de saints et d'anges.
Office des morts :
f. 24, Les trois morts et les trois vifs.
f. 27v, Procession funéraire avec un cercueil couvert d'un poêle fleur-de-lisé.
f. 30v, David en prière dans un paysage, Dieu le père au ciel.
f. 34, David en prière devant un tombeau (ou petite chapelle ?), Dieu le père au ciel.
f. 37v, David entièrement nu en prière, Dieu le père au ciel et Bouche d'enfer sur terre.

Heures de la Vierge (séquence en désordre mais miniatures indiquées dans l'ordre actuel du manuscrit) :
f. 45v, Vierge et Christ (complies).
f. 61v, Annonciation (matines).
f. 63v, Visitation (laudes).
f. 65v, Nativité (prime).
f. 67v, Annonce aux bergers (tierce).
f. 69v, Adoration des mages (sexte).
f. 71v, Présentation au Temple (none).
f. 73v, Fuite en Égypte (vêpres)

Hymne Te Deum qui suit les Heures de la Vierge :
f. 47v, Trinité sur un arc-en-ciel devant une assemblée composée du pape, de cardinaux et de laïcs.

Heures de la Croix :
f. 52, Crucifixion (none).
f. 54v, Déposition (vêpres).
f. 56v, Mise au tombeau (complies).

Heures du Saint-Esprit :
f. 49v, Ascension (prime).
f. 58v, Pentecôte (tierce).
f. 77v, Baptême du Christ (none).

Heures de sainte Barbe :
f. 75v, Sainte Barbe et sa tour (vêpres).
f. 81v, Père de sainte Barbe frappé de mort (complies).

Office de sainte Catherine :
f. 79v, Anges portant le corps de sainte Catherine dans une chapelle du Mont Sinaï.

Suffrages aux saints et prières mariales :
f. 82, Christ de douleur.
f. 83, Christ bénissant dans un ciel bleu et sur un arc, tenant un orbe.
f. 83v, Christ en buste bénissant et tenant un orbe.
f. 84v, Dieu le Père.
f. 85, Saint Bernard de Clairvaux triomphant du Diable.
f. 86, Saint Pierre.
f. 86v, Saints Philippe et Jacques.
f. 87, Incrédulité de saint Thomas.
f. 89, Saint Christophe.
f. 90, Saint Sébastien.
f. 91v, Saint Georges terrassant le dragon.
f. 92, Saint Eutrope et un dévot masculin.
f. 93, Saint Eloi.
f. 93v, Saint Antoine.
f. 94, Saint Aubin d'Angers et le moine miraculeusement guéri.
f. 94v, Saint Hubert.
f. 95, Sainte Catherine.
f. 96, Sainte Catherine.
f. 96v, Saintes Catherine et sainte Barbe.
f. 97v, Martyre de sainte Barbe.
f. 98, Sainte Radegonde de Poitiers.
f. 98v, Sainte Anne enseignant Marie à lire.
f. 99, Tous les saints.
f. 100, Saint Jean l'Évangéliste et la coupe empoisonnée.
f. 100v, Saint Michel terrassant le dragon.
f. 101, Pietà avec la Vierge, les trois Marie et saint Jean.
f. 103, Vierge à l'Enfant avec deux anges.
f. 103v, Vierge à l'Enfant avec deux anges.
f. 104, Procession de saint Grégoire au Château Saint-Ange durant la Peste noire
f. 104v, Vierge à l'Enfant avec des anges.
f. 105, Jésus jeune garçon dans une église avec la Vierge.
f. 105v, Vierge à l'Enfant sur un trône avec deux anges.
f. 106, Vierge à l'Enfant au ciel avec assemblée en vénération.
f. 106v, Vierge à l'Enfant assise dans un jardin avec deux anges.
f. 107, Vierge en majesté entourée d'anges.

Une commanditaire possible : Renée de Bourbon-Vendôme (1468-1534)

Renée de Bourbon entra en 1477 à l'âge de huit ans à l'Abbaye aux Dames de Saintes, fondation bénédictine. Six ans plus tard, en 1483, elle fait profession à Fontevrault, attirée par Anne d'Orléans sa cousine. L'année suivante, Renée est soutenue par Anne de Beaujeu, sa cousine par alliance, pour revenir à Saintes et devenir abbesse de l'Abbaye aux Dames de Saintes, à seulement quinze ans. Renée perd l'élection et ce sera Anne de Rohan qui deviendra abbesse de l'Abbaye aux Dames de Saintes. En 1490, elle est élue à la fois abbesse de l'Abbaye de la Sainte-Trinité de Caen et abbesse de Fontevrault, assumant cette dernière fonction le 30 octobre 1490 (Van Kerrebrouck 1987, p. 98 ; voir aussi Parrot, Mémorial des abbesses de Fontevrault, 1880) et reste abbesse de Fontevrault jusqu'à sa mort en 1534. Elle est la première des cinq abbesses issues de la famille royale de Bourbon à être élue abbesse de Fontevrault.

On connaît au moins trois autres manuscrits commandités ou offerts à Renée de Bourbon quand elle était déjà abbesse de Fontevrault. Un manuscrit, contenant la règle de saint Benoît, en français et le De precepto et dispensatione de saint Bernard (Paris, Bibliothèque Mazarine, MS 1399), qui contient son portrait, ses armoiries et sa devise "Plus rien". Un autre manuscrit, un Rituel, est personnalisé avec son portrait et son saint patron Renatus avec son initiale "R" qui parsème les bordures (Chantilly, Musée Condé, MS 48). Un troisième manuscrit contient un récit enluminé des funérailles d'Anne de Bretagne par Pierre Choque avec une dédicace à Renée de Bourbon (Paris, BnF, fr. 5100). Ces trois manuscrits sont copiés et peints au XVIe siècle et si les présentes Heures ont bien été commanditées pour Renée de Bourbon, ce serait le manuscrit le plus ancien attaché à la personne de l'abbesse de Fontevrault, avant son élection à l'abbatiat du célèbre monastère. Outre une datation dans les années 1480 sur des bases stylistiques liées à la personnalité de Jean Colombe et son entourage, il semble qu'il y ait des éléments internes qui suggèrent que les présentes Heures lui étaient destinées alors que Renée de Bourbon-Vendôme était encore liée à Saintes et donc vers 1484 lorsqu'elle brigue l'abbatiat de l'abbaye aux Dames de Saintes. On trouve un suffrage au rare saint Eutrope, premier évêque de Saintes. De plus la présence des Heures de sainte Barbe et deux suffrages à sainte Barbe met en exergue le martyre de cette sainte au jeune âge de seize ans. Rappelons que Renée de Bourbon était présentée comme candidate à l'abbatiat à Saintes en 1484 alors qu'elle allait sur ses seize ans.

Louis de Laval, seigneur de Châtillon, grand-oncle de Renée de Bourbon

Un personnage établit le lien entre les artistes berruyers des présentes Heures et Renée de Bourbon. Il s'agit de Louis de Laval (1411-1489), frère de Jeanne de Laval (1405-1468), grand-mère de Renée de Bourbon. Louis de Laval, seigneur de Châtillon, gouverneur du Dauphiné et gouverneur de Champagne à partir de 1465, était donc le grand-oncle de Renée. L'artiste Jean Colombe et son entourage avaient déjà peint plusieurs manuscrits pour le bibliophile Louis de Laval, dotés de programmes iconographiques ambitieux. Il s'agit notamment d'ouvrages et de traductions de Sébastien Mamerot, secrétaire de Louis de Laval : Romuleon (vers 1470, aujourd'hui perdu) ; Histoire des neuf preux (daté 1472, Vienne, ÖNB, Cod. 2577-2578) et Les Passages d'Outremer (vers 1470 et 1472-1475, Paris, BnF, français 5594). Amateur de beaux manuscrits, Louis de Laval commande à Colombe un livre d'heures avec plus de 1200 miniatures, chef-d'œuvre de l'artiste, peint en deux campagnes vers 1470-1475 et vers 1480-1485 (Heures de Louis de Laval, Paris, BnF, ms. lat. 920). Les programmes iconographiques adoptés par Colombe et ses assistants sont particulièrement raffinés et recherchés, ouverts aux compositions originales. Le livre d'heures réalisé pour Renée de Bourbon contient également un programme d'images de haute qualité, comprenant des détails et des sujets inhabituels dont on trouve des échos dans les manuscrits peints par Colombe pour Louis de Laval. Ainsi certaines compositions des Heures de Laval se retrouvent avec de légères modifications dans les présentes Heures dites maintenant de Renée de Bourbon (par exemple David et Goliath, la Pietà, ou le Couronnement de la Vierge et passim). Il n'est pas impossible de penser que Louis de Laval ait pu jouer un rôle dans l'élaboration des Heures destinées à sa petite-nièce.

Avec cette possibilité à l'esprit, il est intéressant d'analyser la miniature figurant saint Eutrope de Saintes (f. 92). Au pied du saint évêque, on remarque une figure en prière, agenouillée, vêtue d'un habit de couleur rouge. On remarque que dans ses manuscrits, Louis de Laval est presque toujours figuré vêtu de rouge et on citera les portraits de Louis jeune dans les Heures de Louis de Laval qui rappellent l'homme-dévot en prière aux pieds de saint Eutrope (Paris, BnF, latin 920, f. 43v et f. 46). Il est évidemment impossible de connaître avec certitude l'identité de l'homme en rouge (f. 92) dans les Heures de Renée de Bourbon et il pourrait s'agir de quelqu'un d'autre lié à sa famille ou à l'abbaye. Mais il est tentant de proposer que ce personnage en prière pourrait être Louis de Laval qui se faisait figurer en protecteur de sa petite-nièce et partageait avec elle son portrait peint par des artistes (Colombe et ses suiveurs) qu'il avait beaucoup fait travailler. Rappelons que Louis de Laval n'avait pas d'épouse et pas d'enfants et Renée de Bourbon-Vendôme était orpheline depuis 1477.

Heures de Renée de Bourbon : des compositions originales et étudiées

Plusieurs feuillets ont été retirés de ces Heures qui ont subi des altérations à travers le temps. Malgré cela, les miniatures sont en excellent état de conservation et ce sont plutôt les feuillets de texte qui ont subi des dégradations (sans doute au moment où les feuillets de texte ont été collés ensemble, pour privilégier les seules miniatures).

On reconstitue néanmoins les différentes parties constitutives des Heures d'origine: en plus des Heures de la Vierge (complet des huit miniatures mais lacunaire au niveau des textes), le manuscrit contenait le texte et le cycle complet de miniatures pour les Heures de la Croix (pour lesquelles il manque le texte et les miniatures pour matines, prime, tierce et sexte), pour les Heures du Saint-Esprit (pour lesquelles il manque le texte et les miniatures de matines, sexte, vêpres et complies), pour les Psaumes de la pénitence. Il est probable qu'il manque aussi des suffrages (on pense à Renatus, saint patron de Renée de Bourbon, mais encore sans certitude). Ce manuscrit renfermait aussi les très rares "Heures de sainte Barbe" (il reste les miniatures pour vêpres et complies) avec un cycle iconographique tout à fait original, dont on ne connait pas d'équivalent et qui semble être une commande particulière pour ce manuscrit. Sainte Barbe était âgée de seulement seize ans, à peu de chose près l'âge de la jeune Renée lorsqu'elle briguait l'abbatiat de Saintes, quand elle fut martyrisée, d'abord enfermée dans une tour par son père Dyoscorus (Dioscore). Dans la miniature pour vêpres des Heures de sainte Barbe (f. 75v) la tour est peinte, magistrale et centrale, avec ses trois fenêtres, symbole de sa fidélité à la Trinité. La tour ordonnée par Dyoscorus ne devait comporter que deux fenêtres mais Barbe transgresse l'autorité paternelle et en fait percer une troisième. Le peintre est fidèle à la légende : Dyoscorus décapitera lui-même sa fille devenue chrétienne et la seconde miniature conservée du cycle de sainte Barbe illustre complies avec la mort de Dyoscorus, frappé par un éclair (f. 81v). Ces représentations doivent beaucoup aux récits de la Légende dorée.

Autre image forte et insolite dans ces Heures, celle de la Procession de saint Grégoire (f. 104), également basée sur un récit de la Légende dorée. En 590, le pape Grégoire Ier, nouvellement élu, organise une procession pour mettre fin à la peste qui ravage la ville de Rome depuis près de cinquante ans. La légende raconte que l'archange Michel est apparu au sommet du mausolée d'Hadrien et remet dans son fourreau son épée maculée de sang, signe que la peste prendrait fin. Par la suite, le mausolée prit le nom de " Castel Sant'Angelo ". La miniature montre le Pape, les cardinaux, les évêques et les citoyens regardant l'ange rouge au sommet de la citadelle. La vue sur la ville n'est pas celle de Rome, mais semble plutôt inspirée de bâtiments français, peut-être un clin d'œil au château de Vendôme et la collégiale St-Georges et son clocher caractéristique ? Cette représentation de la Procession de saint Grégoire se trouve aussi illustrée dans un autre manuscrit célèbre, les Très riches Heures du duc de Berry (Chantilly, Musée Condé, MS 65, fol. 71v), que connaissait parfaitement Jean Colombe puisqu'il fut chargé par le duc de Savoie d'en terminer l'enluminure dans les années 1485-1486. Dans les présentes Heures on soulignera le goût pour les architectures tout comme dans d'autres manuscrits de Colombe et son atelier, tel le Romuleon peint pour Louis Malet de Graville (Paris, BnF, français 364 ; voir les travaux de M. Jacob (2012)).

Signalons aussi l'enluminure consacrée à saint Aubin (f. 94), évêque d'Angers au VIe siècle : l'homme agenouillé et vêtu de noir pourrait être un moine bourguignon guéri au XIe siècle d'une grave maladie par l'intercession miraculeuse de saint Aubin. Il peut s'agir d'un autre clin d'œil à a la famille de Bourbon-Vendôme car lors de ce miracle qui eut lieu à l'abbaye Saint-Aubin d'Angers, l'évêque était nul autre que Hubert de Vendôme (1006-1047) de la famille des vicomtes de Vendôme et lointain ancêtre de Renée de Bourbon-Vendôme.

Les artistes : Jean Colombe, Jean Raoul de Montluçon (?) et assistants

Plusieurs mains ont contribué à l'enluminure de ces Heures illustrées d'un cycle de soixante-six (66) peintures. C'est un cycle ambitieux et original. On retiendra au moins quatre mains, qu'il conviendra de mieux cerner et étudier. Pour l'heure voici quelques suggestions d'attribution.

Le style caractéristique de Jean Colombe (actif 1463-1493) se reconnaît dans plusieurs miniatures. On citera d'emblée le traitement des figures de sainte Catherine et sainte Barbe dans la miniature du suffrage aux deux saintes (f. 96v) et celle de sainte Catherine qui précède (f. 96). Les figures féminines présentent une taille très étroite et le regard aux yeux baissés typiques de la manière de Colombe qui peint des figures soignées avec ce même port aristocratique, par exemple dans la miniature de dédicace à la cour de Charlotte de Savoie introduisant l'ouvrage des Douze perilz d'enfer (vers 1480, Paris, BnF, français 449, f. 1). Les figures des saintes Catherine et Barbe dans les présentes Heures présentent des visages au doux modelé rehaussés d'ombres grises et un teint de couleur orangée aux joues. Le peintre manie avec bonheur le traitement des rehauts d'or sur les capes des saintes. Parmi les autres miniatures qui nous semblent associées à la main de Colombe, on citera la Vierge et le Christ assis sur un trône (f. 45v), l'Annonciation (f. 61v), la Nativité (f. 65v), Christ aux douleurs (f. 82), le Christ bénissant (f. 83v), sainte Radegonde de Poitiers (f. 98) et Anne enseignant à lire à Marie (f. 98v). Colombe a probablement aussi peint le buste, le bras, la tête et le drapé du Christ dans l'Incrédulité de saint Thomas, copiant ces détails de la belle composition du Maître du Missel de Yale, enlumineur avec qui il avait récemment collaboré, lors de la deuxième campagne d'enluminure dans les Heures de Louis de Laval (f. 87 dans les présentes Heures ; f. 266 dans le manuscrit de Louis de Laval, Paris, BnF, latin 920).

Il y a un second artiste de talent qui peint des enluminures dans les présentes Heures. C'est l'artiste qui peint, entre autres, le Martyre de sainte Barbe (f. 97v) et le David et Goliath (f. 17) : les personnages masculins ont des nez droits et légèrement retroussés et des bouches aux traits tombants. La qualité de ces peintures suggère que ce peintre n'était pas un assistant mais un collaborateur avec une personnalité artistique qui lui est propre.D'un point de vue stylistique, ce peintre est à rapprocher d'un artiste documenté à Bourges, dont le style est connu grâce à une miniature signée (Heures de Chappes, Paris, Arsenal, MS 438, f. 74, reproduction Avril et Reynaud, 1993, p. 339), Jean Raoul de Montluçon (c. 1417-1494). Cet artiste a collaboré avec d'autres artistes berruyers tel le Maître de Spencer 6, par exemple dans des Heures peintes pour la famille de Bouer (Leeds, Brotherton Collection, ms. 8 ; voir K. Monier (2011)) et les Heures de Bérenger Bollioud, procureur d'office et receveur de la châtellenie d'Argental (au service de Pierre de Bourbon ; Lyon, BM, ms. 5141), dans lequel Nicole Reynaud a reconnu la main de Jean Raoul de Montluçon (Avril et Reynaud, 1993, p. 339). M. Mazzone (2018), qui nomme ce peintre "Maître du Romuléon" (le nom initialement employé par M. Jacob (2012) pour identifier un peintre distinct de Colombe et de Montluçon) a suggéré que ce peintre pouvait être rattaché à Philibert Colombe, l'un des fils de Jean Colombe. Nous retenons pour l'heure son identification comme Jean Raoul de Montluçon. Dans les présentes Heures dites de Renée de Bourbon, cet artiste de talent peint les beaux portraits des évangélistes (ff. 7, 8, 9, 10), la Tour à trois fenêtres de sainte Barbe (f. 75v), la Mort de Dyoscorus, père de sainte Barbe (f. 81v), saint Eutrope et un homme en prière (f. 92), saint Eloi (f. 93), Tous les saints (f. 99), la Vierge à l'Enfant avec des anges (f. 104v) et sans doute aussi le saint Georges terrassant le dragon (f. 100v). Les portraits des évangélistes trouvent leur équivalent dans un livre d'heures peint pour un commanditaire anonyme d'Angers (Oxford, Bodleian Library, ms. Gough Liturg. 14 ; voir Pächt et Alexander (1969), no. 812, attribué à l'atelier Colombe), peut-être un membre de la famille Laval à travers une personnalité telle Jeanne de Laval (1433-1498), veuve de René d'Anjou, qui était la nièce de Louis de Laval (hypothèse sans certitude). Les Heures de la Bodleian renferment des compositions qui offrent des comparaisons probantes : on évoquera la belle représentation de saint Luc sous les traits d'un peintre au travail, avec son panneau posé sur un chevalet triangulaire et ses pigments à portée de main. Rappelons que Jean Raoul de Montluçon était aussi peintre de panneaux et de travaux d'intérêt public (voir Avril et Reynaud, 1993, p. 338). Les arrière-plans des miniatures des trois évangélistes présentent des décors sculptés et en grisaille (f. 8, 9) ou des colonnes polychromées dans des tons pastel qui encadrent une fresque (f. 10) qui rappellent l'équivalent dans les Heures de la Bodleian.

À ces deux artistes berruyers, à savoir Jean Colombe et Jean Raoul de Montluçon (?), se joignent deux autres artistes qui peignent certaines des miniatures dans les présentes Heures. Leur identité gagne à être mieux cernée au sein de l'entourage de Colombe et peut-être aussi celui des Montluçon, mais on distingue a priori un artiste qui a peint par exemple la miniature figurant les Trois morts et les trois vifs (f. 24) avec des petits yeux et un autre artiste responsable par exemple de la Procession (ou Convoi) funéraire (f. 27v) qui peint des visages aux yeux très étroits et étirés. Signalons que cette dernière miniature reprend des modèles que l'on trouve dans des manuscrits associés à Jean Colombe jeune, par exemple la même scène peinte dans le Bréviaire de Pierre Milet (daté 1464 ; Berlin, Staatsbibliothek, ms. theol. lat. qu. 6, f. 397 ; reproduction dans Seidel (2018), fig. 109, p. 109). Ces artistes sont clairement liés à Jean Colombe et ses modèles : on citera pour preuve le parallèle frappant entre la belle représentation de la Vierge déjà couronnée et le Christ assis sur un trône avec à leurs pieds une nuée de saints auréolés, la plupart de dos : cette composition attribuée à Jean Colombe se retrouve dans les Très riches Heures du duc de Berry (Chantilly, Musée Condé, MS 65, f. 126) et dans un autre manuscrit attribué à Colombe (Heures, New York, Pierpont Morgan Library, MS M. 677) et reprise à l'identique dans les présentes Heures dites de Renée de Bourbon (f. 21v).

Bibliographie :
Avril, F. et N. Reynaud, Les manuscrits à peintures en France, 1440-1520, Paris, 1993.
Elsig, F. (ed.) Peindre à Bourges aux XVe et XVIe siècles, Milan, 2018.
Jacob, M. Dans l'atelier des Colombe (Bourges 1470-1500): La représentation de l'Antiquité en France à la fin du XVe siècle, Rennes, 2012.
Mazzone, M. " Le Maître du Romuléon : Philibert Colombe ? ", in Peindre à Bourges aux XVe et XVIe siècles, ed. F. Elsig, Milan, 2018, p. 114-125.
Monier, K. " Les Heures Bouer de la bibliothèque universitaire de Leeds, collection Brotherton, ms. 8 : nouveaux éléments à propos de l'enluminure à Bourges ", in Cahiers d'archéologie et d'histoire du Berry, 187, 2011, p. 3-17.
Moulinet, D. " Les Heures de Jean de Montluçon à la Bibliothèque de l'Arsenal ", Études bourbonnaises (1985), pp. 97-111, (1986), p. 148-157.
Pächt, O. and J. J. G. Alexander, Illuminated Manuscripts in the Bodleian Library Oxford, vol. 1, Oxford, 1969.
Ribault, J.-Y. " Le retable des Antonites de Chambéry et l'atelier de Jean et Jacquelin de Montluçon, peintres de Bourges ", in Savoie et région alpine, actes du 116e congrès international de sociétés savantes, Chambéry-Annecy, 1991, Paris, 1994, p. 285-301.
Ribault, J.-Y. " Les Colombes, une famille d'artistes à Bourges au XVe siècle ", in Michel Colombe et son temps, ed. J.-R. Gaborit, actes du 124e congrès des sociétés historiques et scientifiques, section Histoire de l'art et archéologie, Nantes, 19-26 April 1999, Paris, 2001, p. 13-26.
Schaefer, C. " Les débuts de l'atelier de Jean Colombe : Jean Colombe et André Rousseau, prêtre, libraire et escrivain ", Gazette des Beaux-Arts 90 (1977), pp. 137-50.
Schaefer, C. " Die Werkstätt des Jean Colombe ", Fouquet : An der Schwelle zur Renaissance, Dresde-Bâle, 1994, p. 283-286.
Seidel, C. Zwischen Tradition und Innovation: Die Anfa?nge des Buchmalers Jean Colombe und die Kunst in Bourges zur Zeit Karls VII. von Frankreich, Simbach an Inn, 2017.
Seidel, C. " Les débuts de Jean Colombe ", in Peindre à Bourges aux XVe et XVIe siècles, ed. F. Elsig, Milan, 2018, pp. 101-113.
Van Kerrebrouck, P. La Maison de Bourbon : 1256-1987, Villeneuve d'Ascq, 1987.


Binding : Sixteenth-century binding, gilt boards, very slightly rubbed else in good condition, upper and lower boards warped, ties wanting. Spine blind-tooled (perhaps traces of silver ?)

Quire structure : Three last quires remounted following their removal. The quires were all returned to their original place in the codex.

Miniatures : Some restorations and a few repaintings in a few miniatures including f. 45v ; f. 73v ; f. 77v (?) ; f. 83v (?) ; f. 87 ; f. 93 ; f. 94v ; 97v ; f. 104v.

Text leaves : A few stains, on certain leaves, never hindering legibility. Blank parchment leaves have been inserted in certain places, and in some cases glued to facing text leaf. On the occasion of a restoration, the glued leaves were separated which explains that certain text leaves have discharged ink on the facing blank parchment leaf. The concerned leaves are the following : ff. 48v-49 ; 50v-51 ; 55v-56 ; 57v-58 ; 62v-63 ; 64v-65 ; 66v-67 (very slight) ; 68v-69 ; 70v-71 ; 72v-73 ; 74v-75 ; 76v-77 ; 78v-79 ; 80v-81.

Nota bene : this discharge never impacts the leaves with miniatures.
Estimation 100 000 - 150 000 €



Vendu 121 059 €
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Lot 19

[Heures de Renée de Bourbon-Vendôme]
Livre d’heures, à l’usage de Bourges (d’après l’Office des morts)

Vendu 121 059 € [$]

[HEURES DE RENÉE DE BOURBON-VENDÔME]
Livre d'heures, à l'usage de Bourges (d'après l'Office des morts).
En latin et en français, manuscrit enluminé sur parchemin.
France, Bourges, vers 1480-1485 (1484 ou peu avant ?).
31 grandes miniatures et 35 miniatures à mi-page attribuées à des artistes berruyers tels Jean Colombe, Jean Raoul de Montluçon (?) et assistants.

107 feuillets, précédés et suivis de trois feuillets de gardes de parchemin, sur les 107 ff. du manuscrit, on en compte 21 qui sont des feuillets de parchemin blanc intercalés sans texte ni miniature (ff. 44, 46, 48, 50, 52, 53, 55, 57, 59, 60, 62, 64, 66, 68, 70, 72, 74, 76, 78, 80, 88), foliotation moderne au crayon à mine, foliotation ancienne de 1 à 101 (XVIIIe s. ?) à l'encre dans le coin droit supérieur des feuillets, commençant au fol. 7 (foliotation moderne) et donc après le calendrier (cette foliotation est interrompue, témoignant que les manques sont anciens), manuscrit lacunaire (manquant des feuillets de texte et des miniatures), collation difficile car manuscrit relié dans le désordre avec les cahiers d'origine difficilement reconstituables, plusieurs feuillets ont été un temps collés ensemble (décharge perceptible de l'encre et des initiales ornées des feuillets de texte sur les feuillets blancs interfoliés), écriture bâtarde à l'encre brune, texte copié sur 31 lignes, réglure à l'encre brune (justification : 73 x 140 mm), rubriques à l'encre bleue, bout-de-lignes en bleu, rouge ou marron avec un décor à l'or liquide, nombreuses petites initiales peintes en bleu, rouge ou marron avec décor à l'or liquide (1 ligne de hauteur), les mêmes aussi plus grandes (2 à 4 lignes de hauteur), 35 miniatures à mi-page (hauteur 18 lignes) et 31 grandes miniatures suivies de seulement 4 à 5 lignes de texte, toutes de forme cintrée dans leur partie supérieure.

Reliure du XVIe siècle (seconde moitié ?), plein maroquin fauve, décor doré sur les plats et décor à froid sur le dos, dos à 4 nerfs (dos presque lisse) avec décor à froid composé de caissons avec fers de feuilles stylisées azurées, fleurs de lys, étoile, fleuron, cadre extérieur sur les plats de double filets à froid, plats ornés d'un riche décor doré composé d'un double encadrement de double filets dorés, compositions de feuilles stylisées azurées aux quatre angles, au centre composition avec un motif en mandorle entouré et rempli de volutes et filets courbes terminés par des feuilles stylisées azurées avec certains fonds remplis de pointillés, surface entre les encadrements et dans le rectangle central avec un semé d'un motif de triple points, traces d'attaches sur les plats (lacunaires), tranches dorées.

Reliure : quelques épidermures, coins émoussés, plats légèrement gondolés, traces de galeries de vers en tête et en queue de dos. Manuscrit : feuillets parfois rognés courts au sommet avec légères pertes à signaler dans les parties supérieures cintrées de certaines miniatures ; décharge des initiales ornées et du texte sur les feuillets blancs interfoliés suite au décollage de ces feuillets (un temps contrecollés entre eux et depuis décollés) ; quelques taches et quelques écaillures à certaines miniatures (quelques-unes légèrement retouchées par endroits) ; à noter que les miniatures sont généralement en bel état de conservation.

Dimensions des feuillets : 110 x 170 mm ; dimensions de la reliure: 115 x 175 mm.

Fascinante redécouverte d'un livre d'heures sous-étudié et qui offre de nombreuses réflexions sur les peintres berruyers au service d'importants mécènes. Un faisceau d'indices et une inscription signée Renée de Bourbon permettent de lier ce manuscrit à la personne de Renée de Bourbon-Vendôme, sans doute avant son élection à l'abbatiat de l'abbaye de Fontevrault (Fontevraud, Maine-et-Loire). Il contient un cycle ambitieux de 66 peintures peintes par plusieurs mains avec plusieurs miniatures attribuables à Jean Colombe, célèbre peintre de Bourges et connu pour avoir notamment terminé les Très riches Heures du duc de Berry en 1485-1486. Un autre peintre de talent contribue aux peintures, il s'agit de Jean Raoul de Montluçon que nous proposons comme le peintre d'un certain nombre de miniatures, actif également à Bourges. Les rapports entre ces différentes mains gagneraient à être creusés et ce manuscrit est un excellent témoin de la collaboration entre artistes berruyers et la circulation des modèles de Jean Colombe.

Provenance :
1.
Manuscrit copié a priori pour l'usage liturgique de Bourges : on relève avec certitude dans l'Office des morts, texte complet dans ce manuscrit, les répons des leçons qui suivent clairement l'usage liturgique de Bourges (voir Texte ci-dessous). Le texte des Heures de la Vierge est a priori trop lacunaire pour en déterminer l'usage mais sa reconstitution précise permettra peut-être de mieux d'en déterminer l'usage liturgique.

Sur le plan ornemental et stylistique, les miniatures et décor du présent manuscrit sont à relier à ceux peints par Jean Colombe et son atelier, ainsi qu'à un artiste berruyer proche de Colombe et de ses compositions, à savoir Jean Raoul de Montluçon (?). Deux autres artistes proches de Colombe et son atelier interviennent également. Une datation dans les premières années de la décennie 1480 est probable et une datation plus proche de 1484 est suggérée d'après des éléments liés à la jeune commanditaire de ce manuscrit, Renée de Bourbon.

2.
Inscription ancienne, très certainement propriétaire de la première commanditaire. On lit au feuillet 10v la mention suivante : " La vectys mamye de saint Jullyain que loyn et pres sere a vostre commandement le nom ce qui est escript de sous. Renee de Bourbon ". De la même main on lit une seconde inscription au feuillet 16 : " Mon frere mon amy gardés vous bien d'aufenser dieu et pansés qui nous fault tous mourir et randre comte ". Il peut s'agir de l'un des frères de Renée de Bourbon. On citera, mais sans certitude, le plus connu de la fratrie, François de Bourbon, comte de Vendôme (1470-1495), proche du roi Charles VIII qu'il accompagna en Italie, où il mourut jeune en 1495.

Renée de Bourbon (1468-1534) était la fille de Jean VIII de Bourbon, comte de Vendôme (1425-1477) et d'Isabelle de Beauvau (1436-1474/1475). Jean de Bourbon-Vendôme était lui-même fils de Louis de Bourbon-Vendôme et de Jeanne de Laval (1405-1468). La famille de Laval était influente dans le comté du Maine et en Bretagne. Le choix des saints inclus dans le calendrier et les suffrages du présent livre d'heures reflète très certainement les liens de la jeune Renée de Bourbon avec les diocèses du Mans et l'ouest de la France en général. On trouve au calendrier le 27 janvier saint Julien-du-Mans (fol. 1), capital pour une famille dont le fief de Laval dépendait du diocèse du Mans. Le père puis le frère de Renée de Bourbon (François de Bourbon-Vendôme) étaient comtes de Vendôme, situé non loin à la lisière du diocèse du Mans mais qui dépendait au XVe siècle du diocèse de Chartres. Les liens de la famille de Laval avec la Bretagne sont sans doute aussi reflétés dans le choix d'inscrire à l'encre bleue saint Yves de Kermartin au calendrier (fol. 3). Sur le mécénat de la famille Laval, voir M. Walsby, The Counts of Laval : Culture, Patronage and Religion in Fifteenth and Sixteenth-Century France, Aldershot, 2007.

La mère de Renée de Bourbon-Vendôme, Isabelle de Beauvau, meurt en 1474/1475 et son père Jean VIII de Bourbon-Vendôme meurt en 1477 : la jeune Renée entre alors au couvent de l'Abbaye aux Dames de Saintes à l'âge de huit ans. Ceci peut expliquer le suffrage à saint Eutrope de Saintes (fol. 92) doté d'une miniature. On trouve aussi un suffrage introduit par une miniature dédié à saint Georges (fol. 91v) : on rappellera que la collégiale saint-Georges à Vendôme était placée sous le vocable de saint Georges. La collégiale saint-Georges de Vendôme abritait les tombeaux des comtes et ducs de Vendôme.

Le lien avec les Bourbon et notamment la branche ducale en Auvergne est établi aussi avec l'inclusion de saint Bonnet dans les litanies (fol. 22v), évêque de Clermont (la maison de Bourbon descendait de Robert de France, comte de Clermont, sixième fils de saint Louis). On rappellera que les fresques de la Collégiale de Saint-Bonnet-le-Château furent commanditées par Anne d'Auvergne, épouse de Louis II de Bourbon (voir Y. Katsutani, Les peintures murales de Saint-Bonnet-le-Château (2023))

Le suffrage illustré consacré à saint Aubin d'Angers était également pertinent pour Renée de Bourbon-Vendôme et sa famille si l'on rappelle le rôle que joua Hubert de Vendôme, alors évêque d'Angers de 1006 à 1047, lors du miracle du moine guéri au XIe siècle par l'intercession de saint Aubin.

3.
Une inscription du XVIIe siècle (?) à l'encre brune au recto de la première page de garde : " Le presen livre est a [Charles Vaquet] (?) (nom barré) lequel je luy ay promis de rendre ensemble… [nom barré] ".

4.
Une inscription en anglais au crayon du XXe siècle au recto de la première page de garde indique que le manuscrit a été acheté à Lyon : " Bought at the City of Lyons in the south of France and supposed to be from 5 to 600 years old the whole being written, the miniatures painted before the invention of printing or copper plate engraving ".

5.
Notes et codes de libraires au crayon au verso de la première page de garde et au verso de la dernière page de garde en fin de manuscrit : " bbqqcc ", " no xxxx ", " anx/x/x ".

6.
Christie's, Londres, 25 juin 1997, lot 27 avec une inscription mal identifiée et attribuée à " Renée de Bouchey ". Il faut clairement lire " Renee de Bourbon ".


TEXTE
Nous suivons ici la foliotation moderne au crayon à mine :

ff. 1-6v, Calendrier composite, complet, en français, encre brune et bleue ; signalons les saints suivants inscrits en bleu : sainte Geneviève (3 janvier), saint Yves de Kermartin (19 mai), saint Éloi de Noyon (25 juin, 1 décembre), saint Martin de Tours (4 juillet, 11 novembre), saint Louis, roi de France (25 août), saint Loup de Sens, saint Gilles (1 septembre), saint Denis (9 octobre), et saint Marcel (3 novembre).

ff. 7-10v, Péricopes évangéliques.

ff. 11-16v, Passion selon saint Jean (deux miniatures ; deux rubriques).

ff. 17-21, Psaumes de la pénitence.

ff. 21v-23v, Litanies. On signalera les saints suivants : Bonnet (Boniti), Geneviève, Marguerite, Catherine, Magnifesta, Anastasie, Barbe.

ff. 24-43v, Office des morts à l'usage de Bourges, avec les répons suivants : (1) Credo quod ; (2) Qui Lazarum ; (3) Requiem eternam ; (4) Induta est caro; (5) Memento mei; (6) Peccantem me; (7) Ne recorderis ; (8) Heu mihi ; (9) Libera me. Cette séquence de répons correspond à l'Office des morts à l'usage de Bourges, tel que relevé par le Chanoine Leroquais, voir Paris, BnF, NAL 3163 [fiche Bourges, fol. 180].

ff. 44-44v, feuillet blanc interfolié.

ff. 45-81v, Extraits des Heures de la Vierge, des Heures de la Croix, des Heures du Saint-Esprit, des Heures de sainte Barbe (Barbara) et de l'Office de sainte Catherine (complet) ; extraits reliés parfois dans le désordre, avec des feuillets blancs interfoliés.

f. 45, Vêpres des Heures de sainte Barbe (texte commence au feuillet 75v), avec la dernière prière : " Deus amator pudicicie qui ad declaranda merita beate Barbare virginis… "

Les Heures ou " Petites Heures " de sainte Barbe ne sont pas courantes. Une étude de cet office reste à faire. On le trouve par exemple aux côtés de l'Office de sainte Catherine dans un manuscrit conserve à Liège, Bibliothèque de l'Université de Liège, Wittert 35, Livre d'heures à l'usage d'Utrecht, Pays-Bas, vers 1415 [Master of the Morgan Infancy].

Dans le présent manuscrit, il appert que les Heures de sainte Barbe devaient être copiées immédiatement à la suite des différentes heures canoniales de l'Office de la Vierge (en anglais on dit " interspersed ").

f. 45v, Début de complies des Heures de la Vierge [fin lacunaire].

ff. 46-46v, feuillet blanc interfolié.

f. 47, Fin de matines des Heures de la Vierge, avec la troisième leçon de la première nocturne " O sacratissima ", suivie du répons " Felix namque es ".

f. 47v, Hymne " Te Deum " [fin lacunaire].

ff. 48-48v, feuillet blanc interfolié.

f. 49, Fin de prime des Heures de la Croix [fin lacunaire].

f. 49v, Début de prime des Heures du Saint-Esprit [fin lacunaire].

ff. 50-50v, feuillet blanc interfolié.

f. 51, Fin de laudes des Heures de la Vierge [début lacunaire].

f. 51v, Début de none des Heures de la Croix [fin lacunaire].

ff. 52-53v, feuillets blancs interfoliés.

f. 54, Fin de vêpres des Heures de la Vierge [début lacunaire].

f. 54v, Début de vêpres des Heures de la Croix [fin lacunaire].

ff. 55-55v, feuillet blanc interfolié.

ff. 56-56v, Complies des Heures de la Croix [feuillet inversé avec le texte qui débute au verso et continue au recto].

ff. 57-57v, feuillet blanc interfolié.

f. 58, Tierce des Heures de la Croix [début lacunaire].

f. 58v, Début de tierce des Heures du Saint-Esprit [fin lacunaire].

ff. 59-60v, feuillets blancs interfoliés.

f. 61v, Début de matines des Heures de la Vierge [fin lacunaire].

ff. 62-62v, feuillet blanc interfolié.

ff. 63-63v, Laudes des Heures de la Vierge [feuillet inversé avec le texte qui débute au verso et continue au recto] [fin lacunaire, une partie de laudes des Heures de la Vierge se trouve au feuillet 51].

ff. 64-64v, feuillet blanc interfolié.

ff. 65-65v, Prime des Heures de la Vierge [feuillet inversé avec le texte qui débute au verso et continue au recto].

ff. 66-66v, feuillet blanc interfolié.

f. 67, Prime des Heures de sainte Barbe [fin lacunaire].

f. 67v, Début de tierce des Heures de la Vierge [fin lacunaire].

ff. 68-68v, feuillet blanc interfolié.

f. 69, Tierce des Heures de sainte Barbe [début lacunaire].

f. 69v, Début de sexte des Heures de la Vierge [fin lacunaire].

ff. 70-70v, feuillet blanc interfolié.

f. 71, Sexte des Heures de sainte Barbe [début lacunaire].

f. 71v, Début de none des Heures de la Vierge [fin lacunaire].

ff. 72-72v, feuillet blanc interfolié.

f. 73, None des Heures de sainte Barbe [début lacunaire].

f. 73v, Début de vêpres des Heures de la Vierge [fin lacunaire].

ff. 74-74v, feuillet blanc interfolié.

f. 75, Vêpres des Heures de la Croix, suite du feuillet 54v.

f. 75v, Début de vêpres des Heures de sainte Barbe [suite au feuillet 45].

ff. 76-76v, feuillet blanc interfolié.

f. 77, None des Heures de la Croix [début lacunaire].

f. 77v, Début de none des Heures du Saint- Esprit [fin lacunaire].

ff. 78-78v, feuillet blanc interfolié.

ff. 79-79v, Office de sainte Catherine [feuillet inversé avec le texte qui débute au verso et continue au recto].

ff. 80-80v, feuillet blanc interfolié.

f. 81, Complies et Recommendatio à la fin des Heures du Saint-Esprit [début lacunaire].

f. 81v, Complies des Heures de sainte Barbe [fin lacunaire].

ff. 82-100v, Suffrages au Christ, Dieu le Père, Huit vers de saint Bernard, suffrages aux saints suivants : Pierre, Philippe et Jacques, Thomas, Christophe, Sébastian, Georges, Eutrope de Saintes, Éloi de Noyon, Antoine, Aubin d'Angers, Hubert de Liège, Catherine (ff. 95, 96, 96v), Barbe (ff. 96v, 97v), Radegonde de Poitiers, Anne, Tous les saints (Toussaint), Jean l'Évangéliste, Michel l'archange.

ff. 101-107v, Prières mariales (chacune introduite par une miniature) : Obsecro te (ff. 101-102v) ; Salve Regina (f. 103) ; Ave Regina celorum (f. 103v) ; Regina celi (f. 104) ; Obsecro te (f. 104v) [désinence masculine, "…michi famulo tuo… "] ; Fluat stilla de mamilla gloriose Virginis (f. 105) ; Ave Domina Sancta Maria Mater Dei (f. 105v) ; Inviolata integra et casta es Maria (f. 106), Virgo mitis et begigna (f. 106v) et Gaude virgo mater Christi (ff. 107-107v).


ILLUSTRATION
Ce manuscrit contient 31 miniatures grandes miniatures et 35 miniatures à mi-page :

Péricopes évangéliques :
f. 7, Saint Jean l'Évangéliste sur l'île de Patmos.
f. 8, Saint Luc peignant un portrait de la Vierge (scène d'Annonciation sculptée en arrière-plan).
f. 9, Saint Mathieu écrivant.
f. 10, Saint Marc aiguisant sa plume (scène d'Ascension en arrière-plan).

Passion du Christ :
f. 11, Jésus et les apôtres endormis au Jardin de Gethsémani.
f. 15v, Dérision du Christ.

Psaumes de la pénitence :
f. 17, David et Goliath

Litanies :
f. 21v, Couronnement de la Vierge devant une assemblée de saints et d'anges.
Office des morts :
f. 24, Les trois morts et les trois vifs.
f. 27v, Procession funéraire avec un cercueil couvert d'un poêle fleur-de-lisé.
f. 30v, David en prière dans un paysage, Dieu le père au ciel.
f. 34, David en prière devant un tombeau (ou petite chapelle ?), Dieu le père au ciel.
f. 37v, David entièrement nu en prière, Dieu le père au ciel et Bouche d'enfer sur terre.

Heures de la Vierge (séquence en désordre mais miniatures indiquées dans l'ordre actuel du manuscrit) :
f. 45v, Vierge et Christ (complies).
f. 61v, Annonciation (matines).
f. 63v, Visitation (laudes).
f. 65v, Nativité (prime).
f. 67v, Annonce aux bergers (tierce).
f. 69v, Adoration des mages (sexte).
f. 71v, Présentation au Temple (none).
f. 73v, Fuite en Égypte (vêpres)

Hymne Te Deum qui suit les Heures de la Vierge :
f. 47v, Trinité sur un arc-en-ciel devant une assemblée composée du pape, de cardinaux et de laïcs.

Heures de la Croix :
f. 52, Crucifixion (none).
f. 54v, Déposition (vêpres).
f. 56v, Mise au tombeau (complies).

Heures du Saint-Esprit :
f. 49v, Ascension (prime).
f. 58v, Pentecôte (tierce).
f. 77v, Baptême du Christ (none).

Heures de sainte Barbe :
f. 75v, Sainte Barbe et sa tour (vêpres).
f. 81v, Père de sainte Barbe frappé de mort (complies).

Office de sainte Catherine :
f. 79v, Anges portant le corps de sainte Catherine dans une chapelle du Mont Sinaï.

Suffrages aux saints et prières mariales :
f. 82, Christ de douleur.
f. 83, Christ bénissant dans un ciel bleu et sur un arc, tenant un orbe.
f. 83v, Christ en buste bénissant et tenant un orbe.
f. 84v, Dieu le Père.
f. 85, Saint Bernard de Clairvaux triomphant du Diable.
f. 86, Saint Pierre.
f. 86v, Saints Philippe et Jacques.
f. 87, Incrédulité de saint Thomas.
f. 89, Saint Christophe.
f. 90, Saint Sébastien.
f. 91v, Saint Georges terrassant le dragon.
f. 92, Saint Eutrope et un dévot masculin.
f. 93, Saint Eloi.
f. 93v, Saint Antoine.
f. 94, Saint Aubin d'Angers et le moine miraculeusement guéri.
f. 94v, Saint Hubert.
f. 95, Sainte Catherine.
f. 96, Sainte Catherine.
f. 96v, Saintes Catherine et sainte Barbe.
f. 97v, Martyre de sainte Barbe.
f. 98, Sainte Radegonde de Poitiers.
f. 98v, Sainte Anne enseignant Marie à lire.
f. 99, Tous les saints.
f. 100, Saint Jean l'Évangéliste et la coupe empoisonnée.
f. 100v, Saint Michel terrassant le dragon.
f. 101, Pietà avec la Vierge, les trois Marie et saint Jean.
f. 103, Vierge à l'Enfant avec deux anges.
f. 103v, Vierge à l'Enfant avec deux anges.
f. 104, Procession de saint Grégoire au Château Saint-Ange durant la Peste noire
f. 104v, Vierge à l'Enfant avec des anges.
f. 105, Jésus jeune garçon dans une église avec la Vierge.
f. 105v, Vierge à l'Enfant sur un trône avec deux anges.
f. 106, Vierge à l'Enfant au ciel avec assemblée en vénération.
f. 106v, Vierge à l'Enfant assise dans un jardin avec deux anges.
f. 107, Vierge en majesté entourée d'anges.

Une commanditaire possible : Renée de Bourbon-Vendôme (1468-1534)

Renée de Bourbon entra en 1477 à l'âge de huit ans à l'Abbaye aux Dames de Saintes, fondation bénédictine. Six ans plus tard, en 1483, elle fait profession à Fontevrault, attirée par Anne d'Orléans sa cousine. L'année suivante, Renée est soutenue par Anne de Beaujeu, sa cousine par alliance, pour revenir à Saintes et devenir abbesse de l'Abbaye aux Dames de Saintes, à seulement quinze ans. Renée perd l'élection et ce sera Anne de Rohan qui deviendra abbesse de l'Abbaye aux Dames de Saintes. En 1490, elle est élue à la fois abbesse de l'Abbaye de la Sainte-Trinité de Caen et abbesse de Fontevrault, assumant cette dernière fonction le 30 octobre 1490 (Van Kerrebrouck 1987, p. 98 ; voir aussi Parrot, Mémorial des abbesses de Fontevrault, 1880) et reste abbesse de Fontevrault jusqu'à sa mort en 1534. Elle est la première des cinq abbesses issues de la famille royale de Bourbon à être élue abbesse de Fontevrault.

On connaît au moins trois autres manuscrits commandités ou offerts à Renée de Bourbon quand elle était déjà abbesse de Fontevrault. Un manuscrit, contenant la règle de saint Benoît, en français et le De precepto et dispensatione de saint Bernard (Paris, Bibliothèque Mazarine, MS 1399), qui contient son portrait, ses armoiries et sa devise "Plus rien". Un autre manuscrit, un Rituel, est personnalisé avec son portrait et son saint patron Renatus avec son initiale "R" qui parsème les bordures (Chantilly, Musée Condé, MS 48). Un troisième manuscrit contient un récit enluminé des funérailles d'Anne de Bretagne par Pierre Choque avec une dédicace à Renée de Bourbon (Paris, BnF, fr. 5100). Ces trois manuscrits sont copiés et peints au XVIe siècle et si les présentes Heures ont bien été commanditées pour Renée de Bourbon, ce serait le manuscrit le plus ancien attaché à la personne de l'abbesse de Fontevrault, avant son élection à l'abbatiat du célèbre monastère. Outre une datation dans les années 1480 sur des bases stylistiques liées à la personnalité de Jean Colombe et son entourage, il semble qu'il y ait des éléments internes qui suggèrent que les présentes Heures lui étaient destinées alors que Renée de Bourbon-Vendôme était encore liée à Saintes et donc vers 1484 lorsqu'elle brigue l'abbatiat de l'abbaye aux Dames de Saintes. On trouve un suffrage au rare saint Eutrope, premier évêque de Saintes. De plus la présence des Heures de sainte Barbe et deux suffrages à sainte Barbe met en exergue le martyre de cette sainte au jeune âge de seize ans. Rappelons que Renée de Bourbon était présentée comme candidate à l'abbatiat à Saintes en 1484 alors qu'elle allait sur ses seize ans.

Louis de Laval, seigneur de Châtillon, grand-oncle de Renée de Bourbon

Un personnage établit le lien entre les artistes berruyers des présentes Heures et Renée de Bourbon. Il s'agit de Louis de Laval (1411-1489), frère de Jeanne de Laval (1405-1468), grand-mère de Renée de Bourbon. Louis de Laval, seigneur de Châtillon, gouverneur du Dauphiné et gouverneur de Champagne à partir de 1465, était donc le grand-oncle de Renée. L'artiste Jean Colombe et son entourage avaient déjà peint plusieurs manuscrits pour le bibliophile Louis de Laval, dotés de programmes iconographiques ambitieux. Il s'agit notamment d'ouvrages et de traductions de Sébastien Mamerot, secrétaire de Louis de Laval : Romuleon (vers 1470, aujourd'hui perdu) ; Histoire des neuf preux (daté 1472, Vienne, ÖNB, Cod. 2577-2578) et Les Passages d'Outremer (vers 1470 et 1472-1475, Paris, BnF, français 5594). Amateur de beaux manuscrits, Louis de Laval commande à Colombe un livre d'heures avec plus de 1200 miniatures, chef-d'œuvre de l'artiste, peint en deux campagnes vers 1470-1475 et vers 1480-1485 (Heures de Louis de Laval, Paris, BnF, ms. lat. 920). Les programmes iconographiques adoptés par Colombe et ses assistants sont particulièrement raffinés et recherchés, ouverts aux compositions originales. Le livre d'heures réalisé pour Renée de Bourbon contient également un programme d'images de haute qualité, comprenant des détails et des sujets inhabituels dont on trouve des échos dans les manuscrits peints par Colombe pour Louis de Laval. Ainsi certaines compositions des Heures de Laval se retrouvent avec de légères modifications dans les présentes Heures dites maintenant de Renée de Bourbon (par exemple David et Goliath, la Pietà, ou le Couronnement de la Vierge et passim). Il n'est pas impossible de penser que Louis de Laval ait pu jouer un rôle dans l'élaboration des Heures destinées à sa petite-nièce.

Avec cette possibilité à l'esprit, il est intéressant d'analyser la miniature figurant saint Eutrope de Saintes (f. 92). Au pied du saint évêque, on remarque une figure en prière, agenouillée, vêtue d'un habit de couleur rouge. On remarque que dans ses manuscrits, Louis de Laval est presque toujours figuré vêtu de rouge et on citera les portraits de Louis jeune dans les Heures de Louis de Laval qui rappellent l'homme-dévot en prière aux pieds de saint Eutrope (Paris, BnF, latin 920, f. 43v et f. 46). Il est évidemment impossible de connaître avec certitude l'identité de l'homme en rouge (f. 92) dans les Heures de Renée de Bourbon et il pourrait s'agir de quelqu'un d'autre lié à sa famille ou à l'abbaye. Mais il est tentant de proposer que ce personnage en prière pourrait être Louis de Laval qui se faisait figurer en protecteur de sa petite-nièce et partageait avec elle son portrait peint par des artistes (Colombe et ses suiveurs) qu'il avait beaucoup fait travailler. Rappelons que Louis de Laval n'avait pas d'épouse et pas d'enfants et Renée de Bourbon-Vendôme était orpheline depuis 1477.

Heures de Renée de Bourbon : des compositions originales et étudiées

Plusieurs feuillets ont été retirés de ces Heures qui ont subi des altérations à travers le temps. Malgré cela, les miniatures sont en excellent état de conservation et ce sont plutôt les feuillets de texte qui ont subi des dégradations (sans doute au moment où les feuillets de texte ont été collés ensemble, pour privilégier les seules miniatures).

On reconstitue néanmoins les différentes parties constitutives des Heures d'origine: en plus des Heures de la Vierge (complet des huit miniatures mais lacunaire au niveau des textes), le manuscrit contenait le texte et le cycle complet de miniatures pour les Heures de la Croix (pour lesquelles il manque le texte et les miniatures pour matines, prime, tierce et sexte), pour les Heures du Saint-Esprit (pour lesquelles il manque le texte et les miniatures de matines, sexte, vêpres et complies), pour les Psaumes de la pénitence. Il est probable qu'il manque aussi des suffrages (on pense à Renatus, saint patron de Renée de Bourbon, mais encore sans certitude). Ce manuscrit renfermait aussi les très rares "Heures de sainte Barbe" (il reste les miniatures pour vêpres et complies) avec un cycle iconographique tout à fait original, dont on ne connait pas d'équivalent et qui semble être une commande particulière pour ce manuscrit. Sainte Barbe était âgée de seulement seize ans, à peu de chose près l'âge de la jeune Renée lorsqu'elle briguait l'abbatiat de Saintes, quand elle fut martyrisée, d'abord enfermée dans une tour par son père Dyoscorus (Dioscore). Dans la miniature pour vêpres des Heures de sainte Barbe (f. 75v) la tour est peinte, magistrale et centrale, avec ses trois fenêtres, symbole de sa fidélité à la Trinité. La tour ordonnée par Dyoscorus ne devait comporter que deux fenêtres mais Barbe transgresse l'autorité paternelle et en fait percer une troisième. Le peintre est fidèle à la légende : Dyoscorus décapitera lui-même sa fille devenue chrétienne et la seconde miniature conservée du cycle de sainte Barbe illustre complies avec la mort de Dyoscorus, frappé par un éclair (f. 81v). Ces représentations doivent beaucoup aux récits de la Légende dorée.

Autre image forte et insolite dans ces Heures, celle de la Procession de saint Grégoire (f. 104), également basée sur un récit de la Légende dorée. En 590, le pape Grégoire Ier, nouvellement élu, organise une procession pour mettre fin à la peste qui ravage la ville de Rome depuis près de cinquante ans. La légende raconte que l'archange Michel est apparu au sommet du mausolée d'Hadrien et remet dans son fourreau son épée maculée de sang, signe que la peste prendrait fin. Par la suite, le mausolée prit le nom de " Castel Sant'Angelo ". La miniature montre le Pape, les cardinaux, les évêques et les citoyens regardant l'ange rouge au sommet de la citadelle. La vue sur la ville n'est pas celle de Rome, mais semble plutôt inspirée de bâtiments français, peut-être un clin d'œil au château de Vendôme et la collégiale St-Georges et son clocher caractéristique ? Cette représentation de la Procession de saint Grégoire se trouve aussi illustrée dans un autre manuscrit célèbre, les Très riches Heures du duc de Berry (Chantilly, Musée Condé, MS 65, fol. 71v), que connaissait parfaitement Jean Colombe puisqu'il fut chargé par le duc de Savoie d'en terminer l'enluminure dans les années 1485-1486. Dans les présentes Heures on soulignera le goût pour les architectures tout comme dans d'autres manuscrits de Colombe et son atelier, tel le Romuleon peint pour Louis Malet de Graville (Paris, BnF, français 364 ; voir les travaux de M. Jacob (2012)).

Signalons aussi l'enluminure consacrée à saint Aubin (f. 94), évêque d'Angers au VIe siècle : l'homme agenouillé et vêtu de noir pourrait être un moine bourguignon guéri au XIe siècle d'une grave maladie par l'intercession miraculeuse de saint Aubin. Il peut s'agir d'un autre clin d'œil à a la famille de Bourbon-Vendôme car lors de ce miracle qui eut lieu à l'abbaye Saint-Aubin d'Angers, l'évêque était nul autre que Hubert de Vendôme (1006-1047) de la famille des vicomtes de Vendôme et lointain ancêtre de Renée de Bourbon-Vendôme.

Les artistes : Jean Colombe, Jean Raoul de Montluçon (?) et assistants

Plusieurs mains ont contribué à l'enluminure de ces Heures illustrées d'un cycle de soixante-six (66) peintures. C'est un cycle ambitieux et original. On retiendra au moins quatre mains, qu'il conviendra de mieux cerner et étudier. Pour l'heure voici quelques suggestions d'attribution.

Le style caractéristique de Jean Colombe (actif 1463-1493) se reconnaît dans plusieurs miniatures. On citera d'emblée le traitement des figures de sainte Catherine et sainte Barbe dans la miniature du suffrage aux deux saintes (f. 96v) et celle de sainte Catherine qui précède (f. 96). Les figures féminines présentent une taille très étroite et le regard aux yeux baissés typiques de la manière de Colombe qui peint des figures soignées avec ce même port aristocratique, par exemple dans la miniature de dédicace à la cour de Charlotte de Savoie introduisant l'ouvrage des Douze perilz d'enfer (vers 1480, Paris, BnF, français 449, f. 1). Les figures des saintes Catherine et Barbe dans les présentes Heures présentent des visages au doux modelé rehaussés d'ombres grises et un teint de couleur orangée aux joues. Le peintre manie avec bonheur le traitement des rehauts d'or sur les capes des saintes. Parmi les autres miniatures qui nous semblent associées à la main de Colombe, on citera la Vierge et le Christ assis sur un trône (f. 45v), l'Annonciation (f. 61v), la Nativité (f. 65v), Christ aux douleurs (f. 82), le Christ bénissant (f. 83v), sainte Radegonde de Poitiers (f. 98) et Anne enseignant à lire à Marie (f. 98v). Colombe a probablement aussi peint le buste, le bras, la tête et le drapé du Christ dans l'Incrédulité de saint Thomas, copiant ces détails de la belle composition du Maître du Missel de Yale, enlumineur avec qui il avait récemment collaboré, lors de la deuxième campagne d'enluminure dans les Heures de Louis de Laval (f. 87 dans les présentes Heures ; f. 266 dans le manuscrit de Louis de Laval, Paris, BnF, latin 920).

Il y a un second artiste de talent qui peint des enluminures dans les présentes Heures. C'est l'artiste qui peint, entre autres, le Martyre de sainte Barbe (f. 97v) et le David et Goliath (f. 17) : les personnages masculins ont des nez droits et légèrement retroussés et des bouches aux traits tombants. La qualité de ces peintures suggère que ce peintre n'était pas un assistant mais un collaborateur avec une personnalité artistique qui lui est propre.D'un point de vue stylistique, ce peintre est à rapprocher d'un artiste documenté à Bourges, dont le style est connu grâce à une miniature signée (Heures de Chappes, Paris, Arsenal, MS 438, f. 74, reproduction Avril et Reynaud, 1993, p. 339), Jean Raoul de Montluçon (c. 1417-1494). Cet artiste a collaboré avec d'autres artistes berruyers tel le Maître de Spencer 6, par exemple dans des Heures peintes pour la famille de Bouer (Leeds, Brotherton Collection, ms. 8 ; voir K. Monier (2011)) et les Heures de Bérenger Bollioud, procureur d'office et receveur de la châtellenie d'Argental (au service de Pierre de Bourbon ; Lyon, BM, ms. 5141), dans lequel Nicole Reynaud a reconnu la main de Jean Raoul de Montluçon (Avril et Reynaud, 1993, p. 339). M. Mazzone (2018), qui nomme ce peintre "Maître du Romuléon" (le nom initialement employé par M. Jacob (2012) pour identifier un peintre distinct de Colombe et de Montluçon) a suggéré que ce peintre pouvait être rattaché à Philibert Colombe, l'un des fils de Jean Colombe. Nous retenons pour l'heure son identification comme Jean Raoul de Montluçon. Dans les présentes Heures dites de Renée de Bourbon, cet artiste de talent peint les beaux portraits des évangélistes (ff. 7, 8, 9, 10), la Tour à trois fenêtres de sainte Barbe (f. 75v), la Mort de Dyoscorus, père de sainte Barbe (f. 81v), saint Eutrope et un homme en prière (f. 92), saint Eloi (f. 93), Tous les saints (f. 99), la Vierge à l'Enfant avec des anges (f. 104v) et sans doute aussi le saint Georges terrassant le dragon (f. 100v). Les portraits des évangélistes trouvent leur équivalent dans un livre d'heures peint pour un commanditaire anonyme d'Angers (Oxford, Bodleian Library, ms. Gough Liturg. 14 ; voir Pächt et Alexander (1969), no. 812, attribué à l'atelier Colombe), peut-être un membre de la famille Laval à travers une personnalité telle Jeanne de Laval (1433-1498), veuve de René d'Anjou, qui était la nièce de Louis de Laval (hypothèse sans certitude). Les Heures de la Bodleian renferment des compositions qui offrent des comparaisons probantes : on évoquera la belle représentation de saint Luc sous les traits d'un peintre au travail, avec son panneau posé sur un chevalet triangulaire et ses pigments à portée de main. Rappelons que Jean Raoul de Montluçon était aussi peintre de panneaux et de travaux d'intérêt public (voir Avril et Reynaud, 1993, p. 338). Les arrière-plans des miniatures des trois évangélistes présentent des décors sculptés et en grisaille (f. 8, 9) ou des colonnes polychromées dans des tons pastel qui encadrent une fresque (f. 10) qui rappellent l'équivalent dans les Heures de la Bodleian.

À ces deux artistes berruyers, à savoir Jean Colombe et Jean Raoul de Montluçon (?), se joignent deux autres artistes qui peignent certaines des miniatures dans les présentes Heures. Leur identité gagne à être mieux cernée au sein de l'entourage de Colombe et peut-être aussi celui des Montluçon, mais on distingue a priori un artiste qui a peint par exemple la miniature figurant les Trois morts et les trois vifs (f. 24) avec des petits yeux et un autre artiste responsable par exemple de la Procession (ou Convoi) funéraire (f. 27v) qui peint des visages aux yeux très étroits et étirés. Signalons que cette dernière miniature reprend des modèles que l'on trouve dans des manuscrits associés à Jean Colombe jeune, par exemple la même scène peinte dans le Bréviaire de Pierre Milet (daté 1464 ; Berlin, Staatsbibliothek, ms. theol. lat. qu. 6, f. 397 ; reproduction dans Seidel (2018), fig. 109, p. 109). Ces artistes sont clairement liés à Jean Colombe et ses modèles : on citera pour preuve le parallèle frappant entre la belle représentation de la Vierge déjà couronnée et le Christ assis sur un trône avec à leurs pieds une nuée de saints auréolés, la plupart de dos : cette composition attribuée à Jean Colombe se retrouve dans les Très riches Heures du duc de Berry (Chantilly, Musée Condé, MS 65, f. 126) et dans un autre manuscrit attribué à Colombe (Heures, New York, Pierpont Morgan Library, MS M. 677) et reprise à l'identique dans les présentes Heures dites de Renée de Bourbon (f. 21v).

Bibliographie :
Avril, F. et N. Reynaud, Les manuscrits à peintures en France, 1440-1520, Paris, 1993.
Elsig, F. (ed.) Peindre à Bourges aux XVe et XVIe siècles, Milan, 2018.
Jacob, M. Dans l'atelier des Colombe (Bourges 1470-1500): La représentation de l'Antiquité en France à la fin du XVe siècle, Rennes, 2012.
Mazzone, M. " Le Maître du Romuléon : Philibert Colombe ? ", in Peindre à Bourges aux XVe et XVIe siècles, ed. F. Elsig, Milan, 2018, p. 114-125.
Monier, K. " Les Heures Bouer de la bibliothèque universitaire de Leeds, collection Brotherton, ms. 8 : nouveaux éléments à propos de l'enluminure à Bourges ", in Cahiers d'archéologie et d'histoire du Berry, 187, 2011, p. 3-17.
Moulinet, D. " Les Heures de Jean de Montluçon à la Bibliothèque de l'Arsenal ", Études bourbonnaises (1985), pp. 97-111, (1986), p. 148-157.
Pächt, O. and J. J. G. Alexander, Illuminated Manuscripts in the Bodleian Library Oxford, vol. 1, Oxford, 1969.
Ribault, J.-Y. " Le retable des Antonites de Chambéry et l'atelier de Jean et Jacquelin de Montluçon, peintres de Bourges ", in Savoie et région alpine, actes du 116e congrès international de sociétés savantes, Chambéry-Annecy, 1991, Paris, 1994, p. 285-301.
Ribault, J.-Y. " Les Colombes, une famille d'artistes à Bourges au XVe siècle ", in Michel Colombe et son temps, ed. J.-R. Gaborit, actes du 124e congrès des sociétés historiques et scientifiques, section Histoire de l'art et archéologie, Nantes, 19-26 April 1999, Paris, 2001, p. 13-26.
Schaefer, C. " Les débuts de l'atelier de Jean Colombe : Jean Colombe et André Rousseau, prêtre, libraire et escrivain ", Gazette des Beaux-Arts 90 (1977), pp. 137-50.
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Van Kerrebrouck, P. La Maison de Bourbon : 1256-1987, Villeneuve d'Ascq, 1987.


Binding : Sixteenth-century binding, gilt boards, very slightly rubbed else in good condition, upper and lower boards warped, ties wanting. Spine blind-tooled (perhaps traces of silver ?)

Quire structure : Three last quires remounted following their removal. The quires were all returned to their original place in the codex.

Miniatures : Some restorations and a few repaintings in a few miniatures including f. 45v ; f. 73v ; f. 77v (?) ; f. 83v (?) ; f. 87 ; f. 93 ; f. 94v ; 97v ; f. 104v.

Text leaves : A few stains, on certain leaves, never hindering legibility. Blank parchment leaves have been inserted in certain places, and in some cases glued to facing text leaf. On the occasion of a restoration, the glued leaves were separated which explains that certain text leaves have discharged ink on the facing blank parchment leaf. The concerned leaves are the following : ff. 48v-49 ; 50v-51 ; 55v-56 ; 57v-58 ; 62v-63 ; 64v-65 ; 66v-67 (very slight) ; 68v-69 ; 70v-71 ; 72v-73 ; 74v-75 ; 76v-77 ; 78v-79 ; 80v-81.

Nota bene : this discharge never impacts the leaves with miniatures.
Estimation 100 000 - 150 000 €



Vendu 121 059 €
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Date : 28 mars 2023 14:30
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