CABINET D'ÉPOQUE QUEEN ANNE, TRAVAIL ANGLAIS DU DÉBUT DU XVIIIe SIÈCLE
Vendu 125 800
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CABINET D'ÉPOQUE QUEEN ANNE, TRAVAIL ANGLAIS DU DÉBUT DU XVIIIe SIÈCLE
En vernis européen or sur fond noir, à décor de chinoiseries, la façade ouvrant par deux portes munies de miroirs découvrant dix-sept tiroirs et trois vantaux, l'abattant découvrant une écritoire gainée de velours bleu, six tiroirs et quatre compartiments ; le théâtre orné de miroirs et dissimulant des tiroirs, la partie basse ouvrant par quatre tiroirs sur trois rangs, reposant sur des pieds en griffe enserrant une boule, les côtés munis de poignées
H. : 236 cm (93 in.)
l. : 115 cm (45 1/4 in.)
P. : 51 cm (20 in.)
A QUEEN ANNE JAPANNED CABINET, EARLY 18th CENTURY
Ce cabinet, par son magnifique décor de chinoiseries, son dessin, le sommet en arbalète très probablement anciennement orné d'un élément en bois sculpté et doré (présence de traces au sommet), la répartition des multiples tiroirs et des vantaux, le secret composé d'autres petits tiroirs dissimulés derrière le théâtre en miroirs, est à rapprocher d'un groupe de cabinets traditionnellement rattachés à l'atelier de Martin Schnell (circa 1660-1715), le plus important peintre laqueur de la cour de Dresde au début du XVIIIème siècle.
Martin Schnell (c 1675-1740) travailla à Berlin dans l'atelier de l'artisan laqueur Gérard Dagly (1657-1726) l'une des personnalités majeures au service de l'Electeur Frédéric Guillaume de Brandebourg puis de Frédéric III, avant de rejoindre la Cour de Dresde en 1710. Il entra au service d'Auguste le Fort, avec pour mission, la création d'un atelier pour exécuter les commandes importantes en laque.
Plusieurs des caractéristiques citées plus haut apparaissent sur un certain nombre d'autres exemples :
- Cabinet à décor de chinoiseries or sur un fond de vernis rouge, anciennement conservé au Château Pillnitz, (G Haase, Dresdner Möbel, Leipzig, 1983, n°141)
- Cabinet, livré probablement vers 1730 à la cour de l'Electeur de Saxe à Dresde puis Partridge Fine Arts, London, 1997 et vente Sotheby's New York, collection de Lily et Edmond Safra, les 18-21 octobre 2011, lot 718
- Cabinet à décor de chinoiseries or sur un fond de vernis rouge, collection Gerstenfeld, Washington, D.C, illustré dans Edward Lennox-Boyd ed., Masterpieces of English Furniture, The Gerstenfeld Collection, London, 1998, pp. 48 and 195, no. 7
- Schloss Moritzburg, Dresden
- Christie's Madrid, 1974 (Christie's Review, 1974, p. 415) puis collection Mallett, suggérant une commande ibérique
- Une paire de cabinets, provenant des collections royales portugaises, cette fois entièrement recouvert de gesso doré, l'un avec ses pieds d'origine en forme de griffes de lion vendu par Sotheby's Londres, le 3 juin 1977, lot 93, l'autre vendu par Christie's Londres, Important English Furniture, le 4 juillet 2002, lot 100 (pieds en boule d'époque postérieure)
- Cabinet à décor or sur fond noir, Christie's, Londres, le 23 novembre 2006, lot 100
Plusieurs de ces cabinets semblent avoir un lien avec l'Espagne et le Portugal, d'autres avec Dresde comme celui du château de Pillnitz. Il fait lui-même partie d'un groupe de quatre, dont deux en vernis noir et deux en vernis rouge, inventoriés par Rudolf von Arps-Aubert au Palais de Dresde avant la deuxième guerre mondiale dans son article "Sächsische Lackmöbel des 18. Jahrhunderts," Zeitschrift des Deutschen Vereins für Kunstwissenschaft, 1936, vol. 3, 4/5, p. 362. Il est intéressant de noter que l'auteur les mentionne comme "nicht sächsisch", c'est à dire non produits en Saxe.
Ceci renforce l'hypothèse selon laquelle ces cabinets, souvent produits en paire et dont la forme dérive directement des modèles anglais de la fin du XVIIème siècle et du début du XVIIIème siècle, auraient été exécutés à Londres en vue d'être exportés en Europe continentale. A cette époque le mobilier anglais jouit d'un immense succès au nord de l'Europe, particulièrement, au Danemark, aux Pays Bas et en Allemagne et notamment en Saxe où Auguste le Fort en importa. Dresde finira d'ailleurs par imiter ses productions quelques années plus tard. En 1731, la guilde des artisans de Dresde permit à l'un de ses apprentis de produire un " cabinet anglais " pour chef d'œuvre d'accession à la maîtrise. Les princes allemands sont aussi particulièrement amateurs de " cabinets indiens ", couverts de laque. Ils y exposent des céramiques et des objets en laque chinois. Des pièces entières de palais germaniques sont recouvertes de laque comme au château de Dresde, vers 1718, pour la salle du Trône et la chambre à coucher d'Auguste le Fort.
Au Portugal, le nouveau roi Dom Jao V (1706-1750) profitant de la paix retrouvée après un demi siècle de conflit avec l'Espagne et de nouvelles richesses venant du Brésil, introduisit plus de faste à la Cour. Au cours des premières années de son règne il fut très proche de la cour d'Angleterre, au temps de la reine Anne (1702-1714) et du roi George I (1714-1727). Dom Luis da Cunha, ambassadeur du Portugal à Londres en 1696 et 1715, lui-même collectionneur et amateur de mobilier anglais fut son conseiller en matière artistique. Des traces des commandes royales, notamment d'orfèvrerie, apparaissent dans les journaux anglais de l'époque. R.W. Symonds, dans un article " A Royal scrutoire " Connoisseur, juin 1940, fait état de commandes de meubles et plus particulièrement de cabinets produits en Angleterre.
L'Angleterre, après les Pays Bas, est le deuxième pays à copier les laques d'Orient. Dès 1688, le Treatrise of Japanning and Varnishing de Stalker et Parker instruit les artisans, donne des recettes et des modèles gravés pour ceux désirant imiter la laque. Les motifs présents sur notre cabinet s'en approchent.
Le maître des cabinets royaux du Portugal
Les grandes similitudes relevées sur les cabinets cités plus haut suggèrent un même artisan, dénommé par certains "le maître des cabinets royaux du Portugal ". Bien qu'à ce jour il n'ait pas été identifié, plusieurs noms apparaissent dont celui de Peter Miller. Ce dernier réalisa un cabinet en noyer destiné à être exporté en Espagne et dont l'intérieur est similaire (Adam Bowett, Geffrye Museum Symposium, janvier 2002 et C Gilbert, The Pictorial Dictionary of Marked London Furniture 1700-1840, Leeds, 1996, fig 646 et 647). D'autres artisans sont cités comme Giles Grendey (1693-1780), menuisier en sièges, employé à l'époque Queen Ann qui réalisa de nombreux meubles destinés à l'exportation vers l'Espagne, le Portugal et l'Allemagne. Il réalisa notamment une suite de mobilier en vernis rouge et or pour le duc d'Infantado pour son château Lazcano au sud de l'Espagne, aujourd'hui dispersé (C. Gilbert, " Furniture by Giles Grendey for the Spanish Trade ", Antiques, avril 1971, pp.544-550) ou encore James Moore et John Gumley, établis après 1714 sur le Strand.
Estimation 100 000 - 150 000 €
Vendu 125 800 €
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