Vente Maîtres anciens & du XIX siècle - 13 novembre 2018 /Lot 6 Pays-Bas ou Allemagne, XVIe siècle Composition au livre ouvert

  • Pays-Bas ou Allemagne, XVIe siècle  Composition au livre ouvert Huile sur panneau de chêne, trois planches
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Pays-Bas ou Allemagne, XVIe siècle
Composition au livre ouvert
Huile sur panneau de chêne, trois planches
Une ancienne étiquette portant le numéro '401' dans le bas
Porte le numéro 'B / n°359' au verso
(Petits soulèvements et manques, restaurations anciennes)

An open book, oil on oak panel, Netherlands or Germany, 16th Century

Hauteur : 70,50 Largeur : 65,50 cm

Provenance : Dans la famille de l'actuelle propriétaire depuis la fin du XIXe siècle ;
Collection particulière, Pays de la Loire

Commentaire : Sur un fond noir uni se détache un imposant volume minutieusement détaillé : lettrines ornées et dorées, écriture gothique, partition de musique, enluminure figurant une Crucifixion entourée de fleurs et d'insectes que l'on devine au coin d'une page, tranche colorée, fermoirs de cuir et de métal, tous les éléments d'un précieux manuscrit du XVe siècle sont ici décrits. Les deux languettes de cuir de la reliure s'entrecroisent et les pages centrales sont soulevées, en suspension, comme si un lecteur venait de poser et d'ouvrir vivement le livre. Ce rendu illusionniste est volontaire et nous sommes ici en présence d'un exemple ancien de trompe-l'œil, exercice de peinture étroitement lié à la pratique de la nature morte.
Réalisé aux Pays-Bas ou en Allemagne du Sud dans la seconde partie du XVIe siècle, cette énigmatique production a soulevé bien des questions. Un peu moins d'une vingtaine de tableaux similaires sont aujourd'hui répertoriés, illustrés par deux prototypes. Le premier, dont un exemple est conservé dans les collections du musée de Kassel (fig. 1), représente un manuscrit dans une reliure rouge. Les caractéristiques sont semblables : on y distingue une écriture gothique, des lettrines ornées et quelques partitions, mais pas de page entièrement enluminée. Nous en connaissons une quinzaine de versions1. Le second modèle, auquel correspond le tableau que nous présentons, semble plus rare et seuls deux exemplaires, appartenant au musée des Offices de Florence et au Vassar College de Poughkeepsie, étaient jusqu'ici référencés.
Quelles sont les origines et quelle pouvait être la destination de ces panneaux illusionnistes figurant des livres religieux ? La plupart des exemplaires appartenant au premier prototype ont été exécutés sur des panneaux de résineux, ce qui situe leur provenance en Allemagne du Sud ou dans le Tyrol. Notre tableau et celui de Poughkeepsie sont en revanche sur chêne, indiquant une provenance plutôt néerlandaise. Une attribution aux peintres allemands Ludger tom Ring l'Ancien (actif à Münster entre 1496 et 1547) puis le Jeune (1522-1584) a un temps été proposée pour ce deuxième modèle, les historiens ayant cru lire 'Ludevi Rinki' - une possible signature - au début de la partition. Les auteurs du catalogue de l'exposition de 1996 consacrée aux artistes de cette dynastie ont depuis écarté cette hypothèse2. Plusieurs ateliers ont ainsi pu être à l'origine de cette production.
Les commanditaires de ces images étaient sans doute des communautés religieuses souhaitant orner leurs lieux de prières. Si le livre est un poncif de la nature morte et un motif particulièrement apprécié dans la peinture en général, il apporte un éclairage particulier aux œuvres religieuses dont il vient rehausser la symbolique. Véhicule du savoir et de la sagesse pour les générations à venir, il assure la continuité des connaissances et témoigne du triomphe de l'esprit sur la matière. Dans les arts, il appartient au lexique de la Vanité et est naturellement l'attribut indispensable des évangélistes, de certains prophètes et bien évidemment de saint Jérôme dans son étude, thématique chère aux artistes de la Renaissance. La sobre mais majestueuse représentation d'un ouvrage religieux pour lui-même, sans autre motif, s'intègre donc sans mal dans le panorama de la peinture du XVIe siècle.
La fonction ornementale de ces panneaux peut trouver une explication à la lumière d'une autre production plus précoce et ayant son origine de l'autre côté des Alpes. Charles Sterling rapprochait en effet dès 1952 les livres de notre série des marqueteries italiennes du XVe siècle, et tout particulièrement du décor du chœur de la cathédrale de Modène et de celui de l'église Santa Maria in Organo de Vérone3. Au sein de cette dernière s'élève encore un imposant pupitre, exécuté par Giovanni da Verona et son atelier, dont la partie supérieure est ornée d'un panneau de marqueterie figurant un livre ouvert très proche de nos tableaux (fig. 2). Les précieux livres ouverts peints sur panneaux sont certainement le témoignage des échanges artistiques entre l'Italie et les pays du Nord et de l'intéressante transposition d'un modèle apprécié vers une autre technique, moins complexe et sans doute moins coûteuse, mais permettant de renforcer l'illusion du vrai et la réalité du beau par l'emploi de la couleur et la précision du pinceau.

1. Voir à ce sujet A. Schneckenburger-Breschek, in 'Altdeutsche Malerei. Hessisches Landesmuseum Kassel', Kassel, 1997, p. 269-284.
2. 'Die Maler tom Ring', cat. exp. Münster, Landesmuseum, 1996, vol. II, p. 416
3. Ch. Sterling, in cat. exp. 'La Nature Morte de l'Antiquité à nos jours', Paris, Orangerie des Tuileries, 1952, p. 19-20

Estimation 50 000 - 80 000 €

Vendu 275 600 €
* Les résultats sont affichés frais acheteur et taxes compris. Ils sont générés automatiquement et peuvent subir des modifications.

Lot 6

Pays-Bas ou Allemagne, XVIe siècle
Composition au livre ouvert

Vendu 275 600 € [$]

Pays-Bas ou Allemagne, XVIe siècle
Composition au livre ouvert
Huile sur panneau de chêne, trois planches
Une ancienne étiquette portant le numéro '401' dans le bas
Porte le numéro 'B / n°359' au verso
(Petits soulèvements et manques, restaurations anciennes)

An open book, oil on oak panel, Netherlands or Germany, 16th Century

Hauteur : 70,50 Largeur : 65,50 cm

Provenance : Dans la famille de l'actuelle propriétaire depuis la fin du XIXe siècle ;
Collection particulière, Pays de la Loire

Commentaire : Sur un fond noir uni se détache un imposant volume minutieusement détaillé : lettrines ornées et dorées, écriture gothique, partition de musique, enluminure figurant une Crucifixion entourée de fleurs et d'insectes que l'on devine au coin d'une page, tranche colorée, fermoirs de cuir et de métal, tous les éléments d'un précieux manuscrit du XVe siècle sont ici décrits. Les deux languettes de cuir de la reliure s'entrecroisent et les pages centrales sont soulevées, en suspension, comme si un lecteur venait de poser et d'ouvrir vivement le livre. Ce rendu illusionniste est volontaire et nous sommes ici en présence d'un exemple ancien de trompe-l'œil, exercice de peinture étroitement lié à la pratique de la nature morte.
Réalisé aux Pays-Bas ou en Allemagne du Sud dans la seconde partie du XVIe siècle, cette énigmatique production a soulevé bien des questions. Un peu moins d'une vingtaine de tableaux similaires sont aujourd'hui répertoriés, illustrés par deux prototypes. Le premier, dont un exemple est conservé dans les collections du musée de Kassel (fig. 1), représente un manuscrit dans une reliure rouge. Les caractéristiques sont semblables : on y distingue une écriture gothique, des lettrines ornées et quelques partitions, mais pas de page entièrement enluminée. Nous en connaissons une quinzaine de versions1. Le second modèle, auquel correspond le tableau que nous présentons, semble plus rare et seuls deux exemplaires, appartenant au musée des Offices de Florence et au Vassar College de Poughkeepsie, étaient jusqu'ici référencés.
Quelles sont les origines et quelle pouvait être la destination de ces panneaux illusionnistes figurant des livres religieux ? La plupart des exemplaires appartenant au premier prototype ont été exécutés sur des panneaux de résineux, ce qui situe leur provenance en Allemagne du Sud ou dans le Tyrol. Notre tableau et celui de Poughkeepsie sont en revanche sur chêne, indiquant une provenance plutôt néerlandaise. Une attribution aux peintres allemands Ludger tom Ring l'Ancien (actif à Münster entre 1496 et 1547) puis le Jeune (1522-1584) a un temps été proposée pour ce deuxième modèle, les historiens ayant cru lire 'Ludevi Rinki' - une possible signature - au début de la partition. Les auteurs du catalogue de l'exposition de 1996 consacrée aux artistes de cette dynastie ont depuis écarté cette hypothèse2. Plusieurs ateliers ont ainsi pu être à l'origine de cette production.
Les commanditaires de ces images étaient sans doute des communautés religieuses souhaitant orner leurs lieux de prières. Si le livre est un poncif de la nature morte et un motif particulièrement apprécié dans la peinture en général, il apporte un éclairage particulier aux œuvres religieuses dont il vient rehausser la symbolique. Véhicule du savoir et de la sagesse pour les générations à venir, il assure la continuité des connaissances et témoigne du triomphe de l'esprit sur la matière. Dans les arts, il appartient au lexique de la Vanité et est naturellement l'attribut indispensable des évangélistes, de certains prophètes et bien évidemment de saint Jérôme dans son étude, thématique chère aux artistes de la Renaissance. La sobre mais majestueuse représentation d'un ouvrage religieux pour lui-même, sans autre motif, s'intègre donc sans mal dans le panorama de la peinture du XVIe siècle.
La fonction ornementale de ces panneaux peut trouver une explication à la lumière d'une autre production plus précoce et ayant son origine de l'autre côté des Alpes. Charles Sterling rapprochait en effet dès 1952 les livres de notre série des marqueteries italiennes du XVe siècle, et tout particulièrement du décor du chœur de la cathédrale de Modène et de celui de l'église Santa Maria in Organo de Vérone3. Au sein de cette dernière s'élève encore un imposant pupitre, exécuté par Giovanni da Verona et son atelier, dont la partie supérieure est ornée d'un panneau de marqueterie figurant un livre ouvert très proche de nos tableaux (fig. 2). Les précieux livres ouverts peints sur panneaux sont certainement le témoignage des échanges artistiques entre l'Italie et les pays du Nord et de l'intéressante transposition d'un modèle apprécié vers une autre technique, moins complexe et sans doute moins coûteuse, mais permettant de renforcer l'illusion du vrai et la réalité du beau par l'emploi de la couleur et la précision du pinceau.

1. Voir à ce sujet A. Schneckenburger-Breschek, in 'Altdeutsche Malerei. Hessisches Landesmuseum Kassel', Kassel, 1997, p. 269-284.
2. 'Die Maler tom Ring', cat. exp. Münster, Landesmuseum, 1996, vol. II, p. 416
3. Ch. Sterling, in cat. exp. 'La Nature Morte de l'Antiquité à nos jours', Paris, Orangerie des Tuileries, 1952, p. 19-20

Estimation 50 000 - 80 000 €

Vendu 275 600 €
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Détails de la vente

Vente : 3381
Date : 13 nov. 2018 18:00
Commissaire-priseur : Matthieu Fournier

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Matthieu Fournier
Tél. +33 1 42 99 20 26
mfournier@artcurial.com

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